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Avant la guerre de 1840, l’archevêque de Goa, primat des Indes orientales, avait encore dans sa mouvance les sièges épiscopaux de Nankin et de Pékin. Un anonyme a, dans cette Revue même, le 15 décembre 1886, résumé les incidens à la suite desquels le patronage des missions catholiques passa du Portugal à la France.

Or le traité de Whampoa contenait le germe d’une politique tolérante. Il suffit, pour convaincre le lecteur, de placer sous ses yeux quelques clauses de l’article 22 : « Tout Français qui arrivera dans l’un des cinq ports pourra, quelle que soit la durée de son séjour, y louer des maisons et des magasins pour déposer ses marchandises, ou bien affermer des terrains et y bâtir lui-même des maisons et des magasins. Les Français pourront, de la même manière, établir des églises, des hôpitaux, des hospices, des écoles et des cimetières. Dans ce but, l’autorité locale, après s’être concertée avec le consul, désignera les quartiers les plus convenables pour la résidence des Français et les endroits dans lesquels pourront avoir lieu les constructions précitées… Il est bien entendu, d’ailleurs, que le nombre des maisons et l’étendue des terrains à affecter aux Français dans les cinq ports ne seront point limités, et qu’ils seront déterminés d’après les besoins et les convenances des ayans droit. Si des Chinois violaient ou détruisaient des églises ou des cimetières français, les coupables seraient punis suivant toute la rigueur des lois du pays[1]. » Le décret impérial du 20 février 1846, rendu d’ailleurs à la demande du plénipotentiaire chinois qui avait signé le traité de Whampoa avec M. de Lagrené, fut le complément du traité lui-même. L’empereur Tao-Kouang y reconnaissait que la religion chrétienne, ayant pour objet d’engager les hommes à la vertu, n’a rien de commun avec les sectes illicites ; ordonnait la restitution des églises usurpées, levait les prohibitions anciennes, et menaçait de châtimens sévères les autorités locales qui persécuteraient les chrétiens. Ce n’était pas, sans doute, en la forme, un article du pacte synallagmatique ;

  1. On lisait en outre dans le dernier alinéa de l’art. 23 : « Si, contrairement aux présentes dispositions, des Français, quels qu’ils soient, s’aventuraient en dehors des limites ou pénétraient au loin dans l’intérieur, ils pourront être arrêtés par l’autorité chinoise, laquelle, dans ce cas, sera tenue de les faire conduire au Consulat français du port le plus voisin. Cette disposition, certainement applicable aux missionnaires, les mettait légalement à l’abri des procédures atroces et des sentences arbitraires.