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vraiment l’histoire, car toute l’importance de l’esquisse biographique qu’on vient de lire est dans les lumières qu’elle nous fournit sur la valeur morale et l’autorité historique du témoin dont il nous reste à examiner et à peser les charges.


II

Maintenant qu’on connaît le passé de ce témoin, on sent combien cette autorité historique, cette valeur morale en sont affaiblies. Si son animosité peut lui faire oublier son empressement officieux, presque servile, et son ancien concours, d’autres ne s’en souviendront-ils pas ; et Richelieu ne se donnera-t-il pas le plaisir de le confondre en rendant publiques les preuves de son obséquiosité et de sa dépendance ? Il n’y manquera pas en effet. L’efficacité de sa polémique ne sera-t-elle pas, d’autre part, amoindrie par la contradiction entre sa notoriété de bon Français et le milieu où il vit, les passions antinationales qu’il ne pourra se défendre de servir ? Que diront ses coreligionnaires politiques, ses anciens amis, de la palinodie qui va ressortir, en dépit de toutes les réticences et de toutes les subtilités, de ce qu’il est l’hôte de l’Espagne, le commensal et l’organe de la reine mère ? A tort ou à raison l’opinion ne verra-t-elle pas en lui moins le défenseur désintéressé d’une princesse malheureuse que le pensionnaire, l’écrivain gagé de l’étranger ? Son indépendance dans le présent ne paraîtra-t-elle pas aussi douteuse que son indépendance dans le passé ?

Cette situation fausse semblait bien faite pour gêner la liberté de sa plume. A le lire pourtant, elle ne paraît lui avoir causé aucun embarras, tant il est personnel, violent, outrageant. On peut supposer toutefois qu’elle a été pour quelque chose dans la façon dont il a circonscrit le terrain où s’est déployée son offensive, dans la façon décousue, dispersée, dont elle a été conduite et qui la fait ressembler plutôt à une série d’escarmouches qu’à une opération d’ensemble dirigée sur la position décisive, dans l’insuffisance avec laquelle il a traité l’un des points les plus importans de son sujet.

Si quelque chose peut relever le pamphlet, c’est la grandeur de la cause qu’il est destiné à servir. On pardonne d’irritantes personnalités, les traits outrés de la satire, quand ils ont pour but de gagner la malignité publique au succès d’un intérêt élevé et