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mesure. Seul le Congrès national, sur la motion de M. Allemane, a réclamé la liberté pour tous. Ainsi, par ordonnance de police, le révolutionnarisme anarchiste est réduit au silence. Seuls les politiciens socialistes ont la parole.


II. — LES REVENDICATIONS OUVRIÈRES ET L’ÉMANCIPATION DES TRAVAILLEURS

Les partis socialistes se présentent aux classes ouvrières comme seuls capables de faire aboutir leurs revendications et de les conduire à l’émancipation finale. La première exigence universelle, conforme à ce que les économistes appellent la loi du moindre effort, c’est de travailler moins et de gagner plus, de voir diminuer les heures de travail et augmenter les salaires. Par l’organisation syndicale, par l’entente avec les patrons, par les grèves, les ouvriers industriels obtiennent des améliorations partielles et fragmentées. Les socialistes prétendent les généraliser par l’action politique, par une législation ouvrière uniforme dans tous les pays. Le premier Congrès international, qui se réunit à Paris en 1889, pendant qu’on célébrait le centenaire de la Révolution bourgeoise, inscrivit en tête de son programme la journée de huit heures par voie de réglementation internationale. Cette réforme, en donnant à l’ouvrier plus de repos et de loisir, lui permettra d’agir avec plus d’efficacité en vue de son émancipation finale. Assurément la journée de huit heures n’est pas un minimum. M. Laforgue estime que, dans la société future, grâce au perfectionnement du machinisme, on ne travaillera que deux ou trois heures. En 1848, on parlait du droit au travail, il s’agit de proclamer aujourd’hui le droit à la paresse. L’ouvrier vivra comme un bourgeois : il n’y aura plus que des bourgeois. Bien loin de détruire la vie bourgeoise, le collectivisme aboutira au pan-bourgeoisisme. En attendant que ce rêve devienne une réalité, les ouvriers se montreraient fort satisfaits d’obtenir la journée légale de huit heures, voire celle de dix heures, et tous les congrès, depuis 1889, ont voté des résolutions en ce sens : les ouvriers doivent tendre à tout abaissement du temps de travail qui en rapproche. Le rapport lu au Congrès sur cette question n’a même pas fait l’objet d’une discussion ; il était, d’ailleurs, totalement dénué d’esprit critique. Le rapporteur, M. Wurm, membre du Reichstag allemand, ne s’est même pas enquis des expériences de la journée de huit heures qui ont été tentées, de