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à New York ou à Philadelphie, de futurs Américains que les Yankees de ce temps-là n’avaient jusqu’alors rencontrés pour ainsi dire que dans les livres, — quand ils en lisaient. En 1860, il n’y avait guère aux États-Unis que 200 000 Suédois ou Norvégiens, — répartis dans les États du Wisconsin, du Missouri, de l’Iowa et du Minnesota ; — il y en a aujourd’hui 2 500 000. Dix ou onze ans plus tard, en 1871, on ne comptait encore dans toute l’Union que 70 000 Italiens ; depuis trente ans le chiffre s’en est élevé jusqu’à 1 600 000. A la même époque, c’est à peine si quelques Polonais avaient traversé l’Atlantique ; on en compte aujourd’hui 2 millions ; et, si je crois l’avoir déjà donné, on ne m’en voudra pas de reproduire ici ce renseignement, que la paroisse catholique la plus nombreuse, et la plus riche de l’Union tout entière, est celle des Polonais de Chicago. Ajoutons à ces chiffres 1 300 000 Canadiens français et un million de Français, de Belges ou de Suisses, dont quelques-uns occupent des situations considérables. Quand je suis passé à Yale, voilà trois ans, c’était un Suisse qui dirigeait ce qu’on appelle, dans les Universités d’Amérique, le département des langues romanes, Department of the Romance Languages ; c’est un Français, M. Adolphe Cohn, qui le dirige à Columbia Collège ; c’est encore un Français, M. Ferdinand Bôcher, qui le dirige à Harvard ; et comment oublierais-je que, si la même Université se glorifie avec raison du grand nom d’Agassiz, l’illustre naturaliste était Suisse d’origine ? Il n’y a point non plus, je pense, à rechercher bien curieusement l’origine du plus illustre des peintres de l’Amérique contemporaine : M. John Lafarge ; ou du plus fameux de ses sculpteurs, M. de Saint-Gaudens ; et leur nom seul suffit sans doute à la déclarer. Mettons maintenant 600 000 Hongrois, autant de Tchèques, 125 000 Danois, 250 000 ou 300 000 Chinois : tout cela joint ensemble ne fera guère moins d’un dixième de la population totale de l’Union, 7 ou 8 millions, et déjà beaucoup plus qu’il ne subsiste de « descendans de puritains, de Virginiens et d’Anglo-Saxons de vieille souche américaine, » si du moins les évaluations de M. de Nevers sont exactes. Il n’en compte en effet, de ces derniers, qu’environ 6 ou 7 millions.

Les Allemands ou descendans d’Allemands formeraient à eux seuls plus du triple, soit 20 millions ; et ce chiffre n’a rien qui doive nous étonner, si l’on considère que rien qu’à New York on n’en compte pas moins de 800 000, soit un quart de la