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« l’âme américaine » puisse jamais subir, la plus profonde est celle qui, d’une âme anglo-saxonne, la transformerait en une âme celtique. C’est précisément là ce qui serait en train de s’accomplir, si nous en voulions croire M. Edmond de Nevers, et les raisons qu’il donne de son opinion, pour être assez paradoxales, n’en sont pas moins intéressantes, et dignes qu’on les discute.


III

Il n’a garde de nier, notons-le tout d’abord, ce que l’âme américaine a retenu, et sans doute conservera toujours de traits ou de caractères anglo-saxons, tels que « l’amour du gain, l’esprit pratique d’entreprise, la curiosité des faits, l’exclusivisme dédaigneux, le mépris de l’étranger. » Et, à la vérité, de quelques-uns de ces traits, nous pourrions déjà lui demander ce qu’ils ont d’anglo-saxon : ainsi « l’amour du gain ; » si quelques autres ne seraient pas l’œuvre des circonstances autant que la manifestation du génie de la race, ainsi « l’esprit pratique d’entreprise ; » et comment enfin « l’exclusivisme dédaigneux, » qui n’est guère moins espagnol qu’anglais, a produit en Espagne et en Angleterre des effets si différens ? Mais ce sont les difficultés où se heurte, et souvent pour s’y briser, toute théorie générale qu’on essaie de former sur les races. S’il a jamais existé des races pures, — j’entends pures de tout mélange de sang, — c’était avant l’histoire ; et le fait est que nous ne les retrouvons aujourd’hui nulle part. Est-ce d’ailleurs une raison de ne pas les chercher ? En aucune manière, et surtout ce n’en est pas une de méconnaître en histoire, ou en histoire naturelle, des caractères qu’on a le droit de considérer comme irréductibles aussi longtemps que l’analyse n’a pas séparé les élémens qui les constituent. C’est ainsi que le chien ou le loup ne diffèrent peut-être pas autant que nous le croyons du chat ou du lion, et qui sait si l’iode ou le chlore ne seraient pas des corps composés ? Mais, en attendant, nous avons le droit ou même le devoir de considérer le chlore et l’iode comme des corps simples, le chien et le chat comme des espèces distinctes ; — et c’est ce qu’essaie de faire la psychologie des races.

Se trompe-t-elle en distinguant profondément l’orgueil anglais de la morgue allemande ou de la vanité française ? J’aime mieux dire « l’orgueil anglais » que « le mépris de l’étranger, » qui n’en