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prédécesseurs, qu’il est des ménagemens nécessaires et que certains actes soulèveraient la conscience du monde civilisé au point de forcer les puissances à agir malgré leurs hésitations. Le peuple était déjà ému, ils l’excitèrent davantage ; ils crurent habile de mettre la dynastie sous la protection de certaines sociétés secrètes, avec les aspirations desquelles ils étaient d’ailleurs en cordiale sympathie. On vit avec faveur en haut lieu « les loyaux sujets qui s’exercent à la gymnastique pour la protection de leur famille et réunissent les divers villages des districts dans une vue de protection mutuelle. » Ces loyaux sujets, c’étaient les membres de la société des I-ho-Chuan dont on a traduit le nom de deux manières différentes, par Ligue des Patriotes Unis, ou avec plus de saveur exotique, par Poing de l’Équitable Harmonie, qui sont connus en Occident sous le nom de Boxeurs, et auxquels un édit impérial donnait cette consécration élogieuse. On s’imagina qu’ils aideraient à expulser les étrangers, au moins à les mettre à la portion congrue, qu’en leur distribuant des armes perfectionnées, ces hordes deviendraient les égales de troupes disciplinées à l’européenne.

A la fin de 1899, pour laisser les coudées plus franches au parti ultra-réactionnaire et pour conserver la régence pendant une troisième minorité, l’impératrice complote de déposer ou de tuer Kwang-Sou, comme on s’est débarrassé en 1875 de Toung-tchi, à peine devenu adulte, et de proclamer à sa place le fils en bas âge du prince Tuan ; mais le projet transpire, soulève une grande, une surprenante opposition de la part des lettrés et des marchands ; prudemment, on se borne donc, par décret du 24 janvier 1900, à déclarer l’enfant héritier présomptif du trône. Ce n’est plus là qu’un acte conforme à beaucoup de précédens et qui a de plus l’avantage d’endormir de nouveau les susceptibilités qui commençaient à s’éveiller aux légations. Celles-ci, ou du moins la plupart d’entre elles, ne sembleront plus s’apercevoir de rien, jusqu’au moment où la catastrophe sera trop imminente pour qu’on puisse la prévenir.

L’alarme devient pourtant sérieuse dans les ports ouverts ; dès le mois de mars, les étrangers de Tien-tsin tiennent des réunions pour s’occuper de mettre les concessions en état de défense, d’exercer les volontaires ; mais un peu de détente se produit, on croit que le gouvernement chinois s’est laissé persuader de sévir contre les Boxeurs. En Europe, les journaux allemands et russes