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l’accroissement de l’héritage dont profiteront les générations à venir. Ce quasi-contrat s’impose à l’homme quoi qu’il en ait, comme s’imposent aux termes du code les autres quasi-contrats, c’est-à-dire les obligations qui se forment sans convention. Il devient le fondement du droit et de toutes les obligations sociales, et entre autres de l’assistance mutuelle qui n’est plus que l’acquit d’une dette.

L’argumentation est ingénieuse, mais elle n’est peut-être pas tout à fait sans réplique. Cet homme, accablé de dettes, pourrait en effet, à la Société qui en réclame le paiement, tenir à peu près le langage suivant : « Ce quasi-contrat dont vous me parlez, je ne l’ai jamais ratifié. Cet engagement qui s’est formé sans mon consentement, dès que j’ai eu l’âge de connaître et de décider, j’ai déclaré vouloir m’y soustraire. Vous prétendez être mon créancier ; je prétends être le vôtre, car cette part de l’héritage commun que vous m’attribuez, je ne la trouve pas suffisante. Il y en a que vous avez favorisés plus que moi. J’entends agrandir mon lot aux dépens du leur. Au nom de quel quasi-contrat invoquez-vous le droit de m’en empêcher ? » Si quelque asolidaire tenait ce langage, je ne vois pas trop ce que la Société pourrait lui répondre. Sans doute, s’il passait de la théorie à la pratique, elle répliquerait en l’envoyant en prison, voire à l’échafaud, ce qu’elle ne se fait pas faute de faire au reste pour ces asolidaires qui s’appellent les voleurs ou les anarchistes. Mais la prison et l’échafaud, pas plus que les capucins, comme disait Pascal, ne sont des raisons, et la Société pourrait bien se trouver à court d’autres argumens.

Quoi qu’il en soit au reste de la théorie de la solidarité comme fondement du droit et de la justice, il est difficile de trouver dans ce quasi-contrat un principe d’assistance obligatoire aux malheureux. Aussi n’est-ce point de cette idée de la dette, mais d’une notion assez différente que, suivant l’auteur de la Solidarité, découle l’obligation de l’assistance. Je cite : « L’homme ne peut pas rester indifférent devant le drame social. Il y est non pas spectateur seulement, mais acteur, complice ou victime, si le drame se termine dans les larmes, dans la violence et dans la haine, » et ailleurs : « Il vit, et sa santé est sans cesse menacée par les maladies des autres hommes dont, en retour, la vie est menacée par les maladies qu’il contractera lui-même. » D’où la conséquence que, s’il ne veut pas être victime de la violence ou de la