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seulement le nombre des œuvres inspirées par la charité catholique est en très grande majorité, mais il y a des départemens où la bienfaisance privée ne compte pas une seule œuvre qui soit une œuvre laïque, au moins quant à son esprit. De plus, et bien que les séculiers ne soient pas moins animés de l’esprit charitable que les réguliers (puisqu’on se plaît à ressusciter ces vieilles dénominations), cependant, en fait, les séculiers, très absorbés par le devoir paroissial, laissent volontiers aux réguliers la direction des œuvres charitables. Enfin, la charité, en tous pays, s’exerçant de préférence par les mains des femmes, ces œuvres charitables sont le plus souvent administrées par des religieuses appartenant à des congrégations autorisées ou non autorisées. En un mot, la bienfaisance privée est notoirement, comme on se plaît à dire aujourd’hui, cléricale. Or, comme l’anticléricalisme est le mot d’ordre favori de ceux qui nous gouvernent depuis tantôt vingt ans et demeure leur unique point de ralliement, ils sont d’instinct hostiles à la bienfaisance privée. Sans doute ils lui rendent hommage en paroles et proclament sa nécessité. « Je vois de trop près les choses, je connais trop les lacunes ; j’ai trop marqué les limites nécessaires de l’Assistance publique pour ne pas être pénétré plus que personne de l’immense utilité sociale de la bienfaisance libre, » disait au Conseil supérieur M. le Directeur de l’Assistance et de l’Hygiène publiques, et je suis heureux de signaler dans sa bouche cet excellent langage, mais il s’en faut que les pouvoirs publics s’en inspirent dans leurs relations avec la bienfaisance privée. Leur principe est, en effet, de refuser tout appui, toute faveur aux œuvres confessionnelles, et je viens d’expliquer comment, en fait, les œuvres de la bienfaisance privée étaient presque toujours confessionnelles, quant à leur personnel ou à leur esprit. Pour s’excuser de cette intolérance, on reproche à ces œuvres de tenir compte dans leur action charitable des opinions religieuses de ceux auxquels elles viennent en aide ; reproche absolument injuste, sauf lorsqu’il s’agit d’éducation, ce qui est parfaitement légitime, et qui pourrait être justement retourné contre l’Assistance publique, celle-ci faisant aussi de la charité confessionnelle, mais à rebours, et imposant souvent à ceux qu’elle secourt des conditions qui blessent leur conscience. Sous ce prétexte, tout appui, toute faveur, toute subvention, sont refusés aux œuvres confessionnelles, sans que cependant ce principe soit appliqué avec une égale rigueur à celles qu’entretiennent