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peine à se résigner à ne jouer qu’un rôle secondaire en un point où naguère encore ils tenaient le premier sans conteste possible. Aussi essaya-t-on malgré tout d’affirmer du moins les droits supérieurs de la Grande-Bretagne sur la vallée du Yang-tse, ce qui aboutit au ridicule incident de Shanghaï : une brigade de troupes anglo-indiennes en route pour le Nord reçut l’ordre de s’arrêter en ce grand port et d’occuper les concessions ; la France et d’autres puissances, sachant combien les Anglais ont de peine à quitter un point favorable une fois qu’ils y sont installés, firent prudemment savoir que, si la Grande-Bretagne débarquait des troupes, elles feraient de même. Aussitôt la presse de Londres de jeter les hauts cris, assurant que les autorités chinoises, qui voyaient avec plaisir une occupation britannique, prédisaient les pires catastrophes, si c’était d’une occupation internationale qu’il s’agissait. L’argument ne tenait pas debout et ne trompa personne ; mais, dans un accès de dépit, l’ordre fut donné aux troupes britanniques de continuer leur route vers le Nord plutôt que de prendre part à une occupation internationale de Shanghaï, laissant ainsi sans protection les 6 000 Européens de ce port, qu’on disait gravement menacés quelques jours auparavant ; sur les cris qu’ils poussèrent, une partie des corps anglais furent pourtant débarqués et se résignèrent à se voir rejoints peu après par les Français et d’autres. Ce coup d’épée dans l’eau ne fit que souligner la mauvaise humeur de la Grande-Bretagne, en même temps que l’impuissance relative à laquelle elle se trouve réduite.

Ni la Russie, ni l’Angleterre, ni le Japon ne désirant se porter aux extrêmes et partager la Chine, du moins pour le moment, ce n’est pas la France, non plus que les États-Unis, qui pousseront à une solution brutale. Les deux Républiques sont absorbées par leurs affaires intérieures : en Amérique, c’est la campagne présidentielle, qui montre précisément combien les masses populaires, aussi bien que les couches les plus instruites, sont opposées à l’extension du dehors. Si M. Mac-Kinley court un risque de n’être pas réélu, malgré tout ce qu’a d’inquiétant le programme de son adversaire, malgré la prospérité où se trouve le pays, c’est à sa politique d’expansion, d’impérialisme qu’il le doit. Sentant le péril, le Président n’a qu’un souci, être au plus tôt débarrassé du guêpier chinois. Ce n’est du reste pas le gouvernement qui a émis le programme si sage que nous avons cité et qui a tant