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récens, je crois que l’Europe, l’Amérique et le Japon peuvent intervenir. D’abord il est aisé de saisir, cette fois, le lien logique entre le mal et le remède. Installer, même pour l’avenir, à la tête du gouvernement l’héritier de ces haines féroces, le continuateur de cette politique sauvage et sanguinaire, ce serait le comble de l’imprévoyance. Ensuite, il ne faut pas oublier que l’ordre de succession au trône n’est pas réglé dans le Céleste-Empire comme il l’était en France, soit sous l’ancien régime, soit par la constitution monarchique de 1791, soit même par le sénatus-consulte du 18 mai 1804. Cet ordre est sans cesse modifié par une intrigue de cour ou par une fantaisie de l’empereur régnant[1]. L’élimination de cet héritier présomptif mécontenterait assurément un assez grand nombre de mandarins, mais n’indignerait ni n’étonnerait le peuple chinois. Quant à l’élimination même de la dynastie mandchoue, outre que nous n’avons pas d’intérêt à ressusciter la vieille dynastie chinoise des Mings[2], elle pourrait causer de grands troubles, provoquer des soulèvemens et jeter les puissances dans des embarras inextricables. Il faudrait, pour en venir à cette extrémité redoutable, qu’il fût manifestement impossible de traiter avec l’empereur actuel. Or, il ne faut pas se persuader à la légère qu’il n’y a pas moyen de traiter avec lui. Tant que l’espoir d’une autre solution n’est pas irrévocablement perdu, on abuserait, en renversant la dynastie, du droit d’intervention.


ARTHUR DESJARDINS.

  1. Par exemple, quand l’empereur Taou-Kouang mourut en 1850, il laissa le trône à son quatrième fils, Hien-foung. Quand Hien-foung mourut lui-même en 1861, il désigna comme son successeur son jeune fils Chi-seang flanqué de deux régens ; mais le premier acte du prince Kong fut d’étrangler les régens, etc.
  2. Tien-Sou-Yan, le prétendu représentant des Mings, se propose d’expulser tout d’abord les étrangers de la Chine continentale.