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l’illusion d’avoir triomphé doit être absolument écartée, » disait fort sagement, au mois de septembre, un ministre anglais. Cette illusion du succès, la Chine, on le sait, se la fait avec une extrême facilité, le gouvernement aussi bien que le peuple ; il convient donc que la Cour s’aperçoive avec la plus extrême évidence qu’elle a été vaincue ; qu’elle a dû s’incliner devant des exigences désagréables pour elle ; et, si elle peut avoir perpétuellement devant les yeux une preuve palpable de sa défaite, il n’en sera que mieux. Qu’elle fasse raconter ensuite au peuple toutes les fables qu’elle voudra, peu nous chaut ; si la Cour et les lettrés, les hauts mandarins surtout sont bien convaincus de notre puissance, ils nous feront respecter par leurs administrés.

La seule leçon vraiment efficace qu’ait infligée l’Europe à la Chine a été celle de 1860 : les alliés sont entrés à Pékin, ils ont brûlé le palais d’Eté, ils ont exigé la destitution des principaux instigateurs de la politique impériale d’alors. Les effets de cette leçon furent malheureusement atténués, en 1870, par les massacres de Tien-tsin et la destruction de la cathédrale catholique de cette ville. La triste situation où se trouvait alors la France ne lui permit pas d’exiger de suffisantes réparations ; on eut la faiblesse de ne pas reconstruire la cathédrale jusqu’à ces dernières années ; et il en résulta un discrédit qui s’étendit à tous les étrangers. En 1894-95, la Chine fut aussi complètement vaincue par le Japon qu’une nation peut l’être par une autre, mais cette fois la leçon porta peu, parce que les hostilités n’avaient eu lieu que dans des dépendances de l’Empire, épargnant les Dix-Huit Provinces ; parce que le Japon n’avait même pu conserver les fruits de sa victoire sur le continent ; surtout peut-être parce que la capitale n’avait pas été touchée, que la Cour n’avait ressenti directement aucun ennui bien grave et qu’aucune trace de sa défaite ne subsistait.

Il conviendrait que, cette fois, il n’en fût pas ainsi ; d’ailleurs les troupes internationales campent dans Pékin, et la lenteur même des négociations, en prolongeant l’occupation de la capitale, n’est pas sans bons effets ; mais ce n’est pas tout. La première pensée qui vient à l’esprit, c’est qu’il faut exiger de la Chine le châtiment des coupables, des hommes vraiment responsables du siège des légations, des massacres d’Européens et de chrétiens indigènes, et non pas, comme cela est arrivé tant de fois, de malheureux comparses qui ne furent que des agens d’exécution. « Le