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même nature : additionnez-les ; réfléchissez que, de même que le plus grand résultat de la révolution économique a été une transformation psychologique de l’ouvrier, l’effet le plus sûr de la révolution politique a été une transformation juridique de l’Etat ; l’une a donné au Nombre la volonté d’agir, l’autre lui en a donné le moyen : dites maintenant si la combinaison du mobile et du moyen ne doit pas fatalement déterminer l’action, et si l’Etat, né de cette double transformation, de cette double révolution, peut désormais ne pas agir. — Non ; il ne le peut pas : le tout est donc qu’il agisse pour un bien certain et sans aucun mal, ou du moins pour le plus petit mal et le plus grand bien ; à cette intention, que peut-il faire ?

Une seule chose, une chose considérable. Toute Révolution s’assied ou s’apaise dans une organisation. Le Code civil de 1804, — ce code de la propriété, — c’est, après tout, la Révolution de 1789 organisée, régularisée et légalisée. Pourquoi un Code du travail ne pourrait-il pas, à son tour, légaliser, régulariser, organiser enfin la double révolution dont le rapide courant nous entraîne depuis 1848 ? En elle-même et nécessairement, la force-travail n’est pas plus perturbatrice, plus destructrice, plus négatrice de l’Etat que la force-argent ; pourquoi l’Etat, ayant organisé la propriété, ne pourrait-il pas organiser le travail ? Et pourquoi, le pouvant, n’en aurait-il pas le droit ?

La solution est là, dans la pacification par l’organisation. Mais c’est un tort de dire : la solution ; il faut dire : les solutions. Pas plus qu’il n’y a ici de question une et simple, il n’y a de solution une et simple ; autant de questions, autant de solutions ; il n’est pas sûr que l’Etat puisse toujours agir, il n’est pas sûr qu’il ne puisse jamais agir, mais il est sûr qu’il ne pourra pas agir partout et toujours de la même façon ; — et aussi bien, puisque c’est par un code qu’on agirait, tout code n’est-il pas distribué par espèces et rédigé par articles ? — Viser à l’unité et à la simplicité de la solution, ce serait reprendre les erremens condamnés, et de nouveau tenter l’exploration de la chimère et de l’utopie, et de nouveau se vouer à l’impuissance et au néant. Nous qui ne voulons point quitter les régions mieux connues, la terre ferme de la réalité, et qui nous proposons d’atteindre, non ce qui devrait être, mais ce qui peut être, par ce qui est, au lieu d’une solution « globale » à la question posée en bloc, nous ne poursuivrons modestement que des solutions partielles à des