Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répliqua, dans la préface de sa traduction de l’Iphigénie d’Euripide, 1549. Un poète lyonnais, parent et ami de Pontus de Tyard, Guillaume des Autels, — que nous retrouverons plus tard au nombre des amis de Ronsard, — essaya de dire, l’année suivante, 1550, quelles nuances le séparaient des auteurs de la Défense, et on peut considérer que, de son côté, tout en approuvant le manifeste de Du Bellay, c’est ce que Pontus lui-même prétendit faire, un an ou deux plus tard, dans son Solitaire Premier. Un anonyme, — Charles Fontaine ou Barthélémy Aneau[1], — dans un autre opuscule, le Quintil Horatian, 1550, prit ouvertement parti pour l’école de Marot, si maltraitée dans la Défense ; et insista, non sans aigreur, sur les contradictions dont nous venons de dire qu’il semblait qu’elle abondât. Mais Du Bellay revint à la charge, en prose, dans la préface de son Olive, pour commencer, et, en vers, dans sa Musagnæomachie, puis dans une Ode à Pierre de Ronsard : Contre les envieux poètes. Mellin de Saint-Gelais, vivement et nommément attaqué, intervint dans le débat, et, contre les nouveaux venus, s’arma de la « tenaille » et des « pinces » de son ironie de cour. Ni l’histoire ne saurait omettre tous ces détails, ni la critique, sans en tenir quelque compte, se faire une juste idée de la « Poétique de la Pléiade. » La Défense et Illustration n’est pas à elle seule toute cette poétique.

Et on en diminuerait enfin de beaucoup la portée, si, — quelque embarras ou quelque scrupule que l’on doive toujours éprouver d’anticiper sur la suite des temps, — on n’essayait pas d’éclairer « l’obscur » de la Défense et Illustration, d’en compléter les indications quelquefois trop sommaires, ou d’en concilier les contradictions au moyen de telles pièces que Du Bellay lui-même et Ronsard n’ont vraisemblablement écrites qu’à cette intention. C’est ainsi que l’Ode à Madame Marguerite, sœur d’Henri II, intitulée : D’escrire en sa langue, de Du Bellay :


Quiconque soit qui s’estudie
En leur langue imiter les vieux

[2]

  1. Voyez sur cette question la lettre à Jean de Morel où Charles Fontaine lui-même se défend d’être l’auteur du Quintil Horalian, et en attribue la paternité à Barthélémy Aneau. Lettres de Joachim du Bellay, publiées par M. P. de Nolhac ; Paris, 1883, Charavay.
  2. Il y a quelque lieu de croire que Rabelais aussi se mêla de la querelle, comme ami de Mellin de Saint-Gelais ; et Ronsard s’en serait vengé par la fameuse épitaphe que nous avons citée.