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particulièrement élever un candidat à la pourpre, craint, pour un motif ou un autre, que la proposition ne lui en soit pas faite par le gouvernement auquel appartient le prélat qu’il a distingué personnellement. Le Saint-Père ne peut alors que deux choses : ou nommer directement le cardinal, ce qui est son droit ; mais alors il doit l’enlever à son diocèse, s’il est évêque, et le faire résider à Rome, où il devient cardinal de la Curie romaine ; ou obtenir du gouvernement étranger qui, jusqu’ici, avait fait la sourde oreille qu’il lui propose officiellement le candidat qu’il désire. C’est toujours fort délicat, on le comprend ; car, lorsqu’il s’agit d’un prélat d’une notoriété avérée, si le gouvernement ne le propose pas au choix du Saint-Siège, c’est que, pour un motif ou un autre, il ne croit pas pouvoir lui donner ce témoignage de faveur. Ce fut précisément une de ces candidatures dont j’eus à m’occupera Home, et dont j’eus quelque peine à faire accepter le principe à Paris. On en jugera par le récit qui va suivre. — Je crois pouvoir en garantir l’exactitude.


I

Au commencement de décembre de l’année qui s’achevait, Mgr Czacki vint me voir à l’ambassade et me parla spontanément du très vif désir qu’avait le Saint-Père de nous voir lui proposer Mgr Pie, évêque de Poitiers, pour le chapeau de cardinal. Le Pape ne voulait point, pour ne pas m’embarrasser, me le demander directement, ou me le faire demander par le cardinal secrétaire d’État, mais il souhaitait vivement que cette proposition lui fût faite. — Je répondis à Mgr Czacki que, sans pouvoir préjuger les intentions du gouvernement à cet égard et tout en rendant hommage aux grandes qualités de Mgr Pie, que j’avais pu apprécier moi-même pendant son récent séjour à Rome, son nom isolé me paraissait pouvoir soulever quelques objections. Il avait pu être présenté sous le ministère de M. Jules Simon par le duc Decazes, en même temps que Mgr Dupanloup ; mais il ne me paraissait pas possible aujourd’hui de le demander au Saint-Père. Il n’en serait peut-être pas de même, si nous pouvions, en proposant simultanément avec lui un autre cardinal, obtenir un septième chapeau qui n’avait pas été accordé à la France depuis le commencement du siècle. L’honneur de voir un plus grand nombre des nôtres dans le Sacré Collège déciderait peut-être le