article, de me faire l’exécuteur de ce nouveau programme politique, et, malgré deux lettres très pressantes de M. Waddington, qui me demandait instamment de demeurer à mon poste, dans des termes trop flatteurs pour que je puisse les reproduire, je compris que l’heure du départ avait sonné pour moi. Je n’eus pas d’ailleurs à attendre longtemps la confirmation de mon impression personnelle. Quinze jours après la formation du nouveau cabinet, le 13 janvier 1880, je reçus une lettre particulière de M. de Freycinet me disant que « des considérations tout à fait étrangères à ma personne obligeraient sans doute le gouvernement à disposer de l’ambassade qui m’était confiée. Il tenait à m’en informer avant qui ; cette éventualité se réalisât, a lin que je ne pusse me méprendre sur le caractère de la mesure et sur les sentimens du gouvernement à mon égard. »
Le 5 février, je reçus, en effet, la nouvelle de ma mise en disponibilité et mes lettres de rappel. Mon successeur était nom nié. C’était M. Desprez, directeur des affaires politiques au ministère des Affaires étrangères. Malgré son incontestable habileté, on sait que le Saint-Siège refusa énergiquement d’accorder au nouvel ambassadeur la dissolution des ordres religieux, qu’il avait été chargé de lui demander. M. Andrieux, de son côté, a raconté, dans ses Souvenirs d’un Préfet de Police, les agitations morales que lui causa l’ordre d’expulsion des religieux auquel il avait dû procéder entre temps. M. de Freycinet ne fut pas plus heureux que ses deux agens. Quelques mois après, le 23 septembre 1880, il dut quitter le pouvoir sur cette question, et, avec sa perspicacité habituelle, il ne chercha point à la faire renaître, lorsqu’en 1882, et d’autres fois encore, il reprit le portefeuille des Affaires étrangères. Ces enseignemens du passé sont toujours bons à méditer, et il peut être utile de les rappeler aujourd’hui.
Pour achever, en quelques mots, ce qui m’est personnel dans ces souvenirs, on comprendra que ce ne fut pas sans regret que, encore dans la force de l’âge, je quittai une carrière honorablement parcourue depuis trente ans, à la suite de mon père, qui y avait été successivement ministre et ambassadeur ; mais j’ai toujours cru que, particulièrement dans les temps difficiles, après avoir servi son pays dans des fonctions publiques importantes, nul ne pouvait se plaindre qu’on lui ouvrît une bonne porte pour en sortir. Je me suis moins consolé, je l’avoue, de n’avoir pu jouir plus longtemps de la présence et des bénédictions de ce