Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/358

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce qu’il a fait pour l’enfant, Léonard le fait pour l’adolescent, pour la jeune fille, pour la jeune femme, et l’on sait la grâce délicieuse de ses types préférés, leur large front, leurs grands cils, le doux regard de leurs beaux yeux à demi clos, la parure de leurs chevelures abondantes et soyeuses, relevées en tresses épaisses sur le haut de la tête ou encadrant, de caressantes ondulations, l’ovale de leur visage. Puis ce sont des vieillards aux traits accentués, tantôt placides (musée du Louvre), tantôt (British Museum) de physionomie un peu rude et sévère, avec leurs sourcils proéminens, la moue de leurs lèvres et les plis que les années et les épreuves de la vie ont creusés sur leur fronts.

Parcourant ainsi la suite des âges dans des types nettement caractérisés, l’artiste signale avec une conscience extrême les différences que ces types présentent entre eux et aussi celles que chacun d’eux peut offrir suivant les positions qu’il a fait successivement prendre à ses modèles. Ou bien, sur une même feuille, il cherche par quelles modifications insensibles une tête aux traits nobles et réguliers peut se transformer en une caricature grotesque, ou enfin, suivant une marche inverse, comment, de la laideur la plus difforme, il peut remonter à la beauté accomplie. Comme preuve de la précision qu’il veut qu’on apporte à de pareilles études, notons dans ses manuscrits cette remarque sur la diversité extrême que le peintre doit manifester dans les types de ses figures : « Un homme pouvant être proportionné en étant gros et court, ou court et mince, ou entre les deux, quiconque ne tient pas compte de cette diversité infinie s’expose à faire toujours ses figures pareilles et monotones ; ce qui mérite le plus grand blâme. »

Les divers mouvemens du corps humain sont pareillement décomposés par le maître en suivant leur progression naturelle. Ici c’est une figure d’abord couchée, puis se levant, puis tout à fait debout ; là une autre vue d’en bas, puis de niveau et ensuite d’en haut. Ou bien encore un homme est vu de dos, les bras étendus, et, à côté, le même homme est représenté de face dans la même position. La correction dans toutes ces attitudes est parfaite, et la succession d’un même mouvement est poursuivie dans chacune de ses phases en marquant nettement l’effort initial, puis l’action elle-même, et enfin le terme auquel elle aboutit. Voici un homme qui s’apprête à frapper avec une lourde masse : il la soulève, la brandit et l’abat avec violence. Un autre est