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avec laquelle elle pourra, sans contrôle d’aucune sorte, acquérir tant que bon lui semblera, serait chose insensée. Je suis donc bien loin de répudier la législation qu’invoque M. Trouillot relativement au développement des biens de mainmorte ; je l’invoque à mon tour et la veux maintenir. Restera à savoir si le tableau qu’il a fait de la puissance financière des congrégations, de son accroissement, n’est pas trop fortement poussé au noir.

Enfin je ne dissimulerai point que l’accroissement des fortunes congréganistes, par le mode d’acquisition à titre gratuit, c’est-à-dire par donations et’ legs, ne fût de nature à compromettre la sécurité des familles, si, d’une part, la loi n’avait pris, au regard des congrégations autorisées, de sages précautions, et si, pour les autres, il n’en fallait beaucoup rabattre de cette légende de spoliation qu’on veut apercevoir au fond de toute maison abritant des religieuses ou des moines.

En ce qui est des congrégations autorisées, est-il besoin de rappeler la nécessité, pour l’acceptation des donations entre vifs ou libéralités testamentaires, d’une autorisation qui n’est obtenue qu’après minutieux examen îles conditions dans lesquelles ces libéralités ont été faites, et particulièrement de la situation des familles qu’elles auraient frustrées ?

Et pour les autres, de quel droit veut-on les voir dépourvues de toute idée d’honnêteté et de justice, toujours prêtes à mettre la main sur le bien d’autrui ?

S’il en était ainsi, puisqu’on dit qu’elles pullulent, les tentatives, et partant les scandales, seraient de tous les jours ; or, il peut se passer de longues vies d’hommes ouvrant les yeux pour bien voir, de magistrats cherchant à rendre le mieux possible la justice à qui de droit, sans qu’ils aient vu rien de pareil, sans qu’ils aient eu à restituer à leurs légitimes possesseurs les biens dont on les avait injustement dépouillés. Alors comment justifier l’accusation portée contre les associations religieuses ? Nous ne sommes plus ici dans l’ignoré et dans l’occulte ; on peut s’en rapporter aux spoliés pour dévoiler les accaparements et les fraudes. Les congrégations jouent de malheur : défiez-vous des congrégations riches, disent les uns, elles abusent de leurs richesses, — ce qui est au moins contestable ; — dédiez-vous des congrégations pauvres, s’écrient les autres, elles abusent de leur pauvreté, — ce qui n’est pas beaucoup plus exact.