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félicitations qu’il avait adressé à l’empereur allemand, après l’attentat de Nobiling. La courtoisie de la réponse du prince de Bismarck, et quelques jours après celle du prince impérial, permettaient quelque espérance. Mais on était encore loin d’une entente, comme l’écrivait M. de Saint-Vallier, notre ambassadeur à Berlin, dont les dépêches sur ce sujet me furent régulièrement envoyées. « Le Saint-Père la désirait vivement et il avait confiance dans l’avenir, tout en étant décidé à ne pas faire un pas qui fût incompatible avec sa dignité. Il souhaitait de tout son cœur pouvoir rendre aux catholiques persécutés d’Allemagne le libre exercice de leur culte, mais, l’agression étant venue du cabinet de Berlin, c’était à lui à faire les premiers pas. Le Saint-Siège ne dépasserait pas cette mesure, en dehors de laquelle il perdrait la confiance de ceux qui avaient souffert dans l’exercice de leur foi. » Ce furent les paroles du Saint-Père, et cette ligne fut invariablement suivie par le Vatican durant cette longue période de lutte qui marquera dans l’histoire du siècle. M. de Bismarck en sortit vaincu. Mais, si son amour-propre en souffrit un moment, sa haute clairvoyance politique lui fit promptement apercevoir qu’à tout prendre, l’autorité morale est une et qu’on ne peut gouverner un peuple, en opprimant précisément ceux qui acceptent le plus volontiers les lois de leur pays, quand on leur laisse la liberté de leur culte et leurs droits de citoyens.

Une autre question dont le Saint-Père m’entretint durant cette audience fut la situation des catholiques en Orient. Le cardinal Franchi m’avait adressé, quinze jours auparavant, une note que j’avais envoyée à M. Waddington et dans laquelle il demandait à la France de s’intéresser, suivant sa tradition séculaire, à ces grands intérêts religieux. En me la remettant, le secrétaire d’Etat du Saint-Siège avait ajouté que la France était toujours en Orient le vrai représentant des intérêts catholiques et que son expérience personnelle, comme préfet de la Congrégation de la Propagande, avait déterminé à cet égard une convie-lion profonde. Je l’avais remercié de cette déclaration qui honorait notre pays et j’avais exprimé le vœu que les instructions envoyées de Rome fussent toujours en harmonie avec ces assurances. Notre ministre des Affaires étrangères venait de partir pour Berlin, où il allait représenter la France au Congrès qui venait de s’ouvrir. Comprenant l’importance de ces grands intérêts religieux, quoiqu’il fût protestant, il avait réussi à faire