Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/653

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’autres circulaires sont signées par des femmes ; c’est moins banal. Le style en est pressant, affectueux ; elles renouvellent leurs offres de vin trois ou quatre fois de suite, à des intervalles rapprochés, et s’en excusent : « Vous devez vous dire aujourd’hui, monsieur, dans le fond de votre pensée : Madame X… tient donc bien à me faire apprécier ses récoltes ; vous avez les sentimens trop élevés pour vous en formaliser… » Suivent tous les bienfaits que procurent ces jus exquis, « qui charmaient l’esprit et le cœur de nos ancêtres, » et, pour finir, votre correspondante s’écrie : « Ah ! je ne m’enrichirai pas, je changerai un franc contre vingt sols à peu près. »

Celui-ci fait mieux : vous ouvrez une lettre largement bordée de noir ; un grand malheur a frappé le signataire, il a perdu un parent très proche ; lequel lui laisse sur les bras des vins de choix, qu’il voudrait bien vendre de suite « pour n’avoir pas à payer les droits de succession, » et aussi parce que « le local où se trouvent ces barriques doit être incessamment démoli… » Faites-vous la sourde oreille ? quinze jours après, une autre lettre du même vous avisera qu’il faut vous hâter, que « le maçon doit venir la semaine prochaine. »

La palme en ce genre appartient peut-être à « une mère de six enfans, » à la veille « d’être expropriée par un prêteur inexorable, si elle ne trouve immédiatement une somme minime… par la vente de son vin, etc. » Annexée au pli est la carte d’un ecclésiastique, qui recommande comme digne de tout intérêt l’expéditrice de cette requête. Bienfaisance et bonne opération, aurez-vous le courage de refuser ? Je ne sais si tous ces industriels réussissent, ni quel est le rendement de leur procédé ; mais ils méritaient une place de choix dans l’étude de la réclame contemporaine. L’envoi de ces divers papiers se combine utilement avec la proposition : aux architectes, d’une remise sur les matériaux qu’ils voudront bien conseiller à leurs cliens ; aux médecins, d’une action de jouissance des sociétés d’eaux minérales qu’ils recommanderont à leurs malades ; aux curés, d’une commission « pour les pauvres » sur divers articles qu’ils feraient vendre dans leur paroisse : c’est, dit un post-scriptum édifiant, « la part de Dieu que je me suis juré de prélever sur toutes mes affaires ! »

Dans la catégorie des prospectus rentrent les annonces imprimées au dos des tickets d’omnibus ou de chaises des