La Chambre des députés a terminé la discussion générale de la loi sur les associations. La place nous manque pour parler comme il conviendrait de ce débat ; mais l’occasion d’y revenir se présentera sûrement. On doit rendre cette justice à la Chambre qu’elle a fait trêve, au moins provisoirement, aux mauvaises habitudes qu’elle a contractées depuis quelque temps. L’importance de la question, la gravité des intérêts en jeu, et, il faut le dire aussi, le talent des orateurs qui se sont succédé à la tribune ont restitué à celle-ci quelque chose de son ancien éclat, et à la Chambre elle-même quelque chose de la tenue que ses devancières ont montrée à d’autres époques. Pour la première fois peut-être depuis les élections dernières, tous les orateurs ont parlé sans être violemment interrompus. On les a écoutés ; leurs amis ont pu les applaudir ; et la Chambre a paru avoir le sentiment qu’il y avait quelque chose d’honorable pour elle à ce qu’une grande discussion fût ainsi conduite, avec liberté pour les opinions et respect pour les personnes. Le spectacle est devenu si rare qu’il vaut la peine d’en faire mention.
Quant aux thèses qui ont été développées de part et d’autre, elles ne pouvaient guère avoir un caractère de nouveauté : S’il y a une question qui soit comme et presque épuisée, c’est celle qui était en cause. La bataille sera chaude et vivement disputée entre les articles du projet de loi et les amendemens qui y sont proposés : c’est là que les partis essaieront d’entraîner à eux la majorité, et peut-être de la surprendre. Mais la discussion générale devait porter sur les principes, et, des deux côtés, les principes sont depuis longtemps posés dans des termes à peu près irréductibles.
Il y avait d’abord à faire un exposé général et une critique juridique de la loi : sous ce double rapport, le discours de M. Renault-Morlière n’a rien laissé à désirer et n’a laissé que bien peu de chose à compléter. Il a été précis, substantiel, vigoureux : discours de juriste habile et de libéral résolu. M. Viviani, qui a parlé après M. Renault-Morlière et en sens inverse, a laissé dès les premiers mots très loin, très au-dessous de lui, la loi dont il s’agissait, loi fort insu fusante à ses yeux et qu’il votera néanmoins, mais comme un premier pas dans une voie que ses amis socialistes et lui entendent bien parcourir ensuite jusqu’au bout. M. Viviani, lui, ne s’est pas donné pour un libéral ; il a même dit en termes formels qu’il y a des momens de guerre où on ne doit pas l’être. Il veut, non seulement combattre, mais détruire l’opinion contraire à la sienne : opinion n’est pas assez dire, car c’est le sentiment religieux lui-même qu’il a pris à partie. M. Viviani