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religion qui s’étaient produites en ces derniers temps. Il craignait notamment qu’il n’y eût, dans le discours de Romans, tout un programme de mesures violentes, que, dans un avenir plus ou moins prochain, une fraction importante de la Chambre des députés voudrait imposer au gouvernement et au Sénat, après le renouvellement, partiel de ce corps. Il croyait que, s’il en était ainsi et si réellement l’on entrait dans une voie de persécution et de violence morale, la religion en souffrirait sans doute, mais bien plus, encore ceux qui les auraient permises.

Le Saint-Père ajouta qu’il n’avait de parti pris contre aucune forme de gouvernement. Un État républicain, où la religion serait honorée et respectée, ne rencontrerait de sa part qu’estime et sympathie, Puis il me dit, avec une certaine émotion, qu’il tendait la main à tout le monde et qu’il faisait appel à toutes les bonnes volontés et à tous les concours. Il s’adressait aussi bien aux puissances schématiques et hérétiques qu’aux puissances catholiques, à la Russie qui avait exilé et déporté les évêques de Pologne, comme à la Suisse qui les avait chassés et à l’Allemagne qui avait fait les lois de Mai. A plus forte raison comptait-il sur la France, la fille aînée de l’Eglise, et désirait-il vivement qu’elle continuât à demeurer fidèle à toutes ses traditions religieuses, qui devaient, lui être aussi chères que le soin de la défense de ses frontières et le souci de ses intérêts matériels.

Je crus pouvoir répondre au Saint-Père que j’espérais que sa confiance ne serait pas trompée, malgré les regrettables incidens auxquels il venait de faire allusion. Il avait été de mon devoir de m’en préoccuper avant de revenir à Rome, et j’en avais entretenu aussi bien le Maréchal-président que plusieurs membres du cabinet. Leur langage avait été parfaitement net et tous avaient regretté le discours de Romans. La France n’avait, en effet, aujourd’hui, nul goût pour les violences, de quelque côté qu’elles vinssent. Elle avait soif d’apaisement et de repos. Par suite, toutes les persécutions lui deviendraient odieuses et déconsidéreraient nécessairement tous ceux qui en auraient la responsabilité ; morale ou matérielle, aujourd’hui ou plus tard.

Ces paroles me parurent produire un apaisement assez notable dans l’esprit du Saint-Père, qui m’entretint ensuite de divers autres sujets et notamment de la Belgique et de l’Allemagne. La chute du ministère Malou et son remplacement par le cabinet libéral présidé » par M. Frère-Orban préoccupaient le Pape, qui aimait trop