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prévenir Montgaillard qu’en dépit de ses efforts, il n’avait pu parvenir au général et que, de ce fait, l’a flaire subissait une stagnation forcée[1]. Il ajouta, il est vrai, que le concours de l’adjudant général Badouville était acquis aux émissaires du prince de Condé : « travaillé par Courant, » cet officier promettait de leur faire obtenir audience du général. Après ce compte rendu de ses premières démarches, Fauche-Borel retourna à Strasbourg pour les continuer.

Quelques jours s’écoulent. Le 17, à la fin de la journée, il reparaît chez Montgaillard, joyeux, tout ému, transfiguré. La veille, à l’en croire, il a pu entretenir Pichegru, au château de Blophseim, chez Mme de Salmon de Florimont, qui passe pour être la maîtresse du général.

« J’eus à peine dit à ce général que je venais lui parler de Mgr le prince de Condé qu’il me serra vivement le bras et qu’il me dit aussitôt :

— Que me veut le prince de Condé ? Je ne puis aller à Bâle, on ne peut venir ici ; allez et rapportez-moi par écrit ce que l’on désire de moi. Il ajouta : — Je devais partir à cinq heures ; je resterai ici jusqu’à demain cinq heures après-midi à vous attendre ; en conséquence, faites diligence[2]. »

Développé par Fauche-Borel, ce récit électrise Montgaillard, excite sa verve ; il prend la plume et consacre une partie de la nuit à rédiger une lettre qui sera remise à Pichegru et que doit accompagner la nomenclature des avantages qui lui soûl as sures s’il fait ce qu’on attend de lui. Durant la même nuit, Condé est averti du résultat des démarches de Fauche-Borel. Est-ce celui-ci qui le lui fait connaître ? Est-ce Montgaillard ? Sur ce point, — ce n’est pas le seul, — ils sont en désaccord. Chacun d’eux prétend avoir porté seul à Condé la bonne nouvelle, et

  1. Ces détails ne figurent pas dans les Mémoires imprimés. Ils me sont fournis par les Archives de Chantilly et prouvent la fausseté du récit contenu dans ces Mémoires (t. Ier, p. 235), d’après lequel Fauche-Borel aurait causé avec Pichegru, au château de Blophseim, le 11 août. Lui-même, dans ses rapports à Condé, place cette première entrevue à la date du 16.
  2. Dans les Mémoires imprimés, ce récit remplit plusieurs pages où abondent des détails plus ou moins vrais, sans intérêt pour l’histoire de la conjuration. Pour ceci comme pour le reste, j’ai donc préféré m’en tenir, autant que je l’ai pu, aux papiers de Condé, contemporains de l’événement. Ce qui caractérise la manière de Montgaillard et de Fauche-Borel, c’est qu’au fur et à mesure que le temps s’écoule, ils ajoutent aux détails déjà donnés d’autres détails visiblement inventés. Si ce qu’ils ont écrit sur le moment est déjà suspect, à plus forte raison ce qu’ils ont raconté plus ou moins longtemps après.