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de Pichegru qui permettra de régler ces questions. » Quant à l’argent, on le donnera une fois sur le territoire français. « Il vaut mieux qu’il n’arrive qu’après coup. » Montgaillard eût préféré, et pour cause, « qu’il arrivât avant. »

Condé ne persévéra pas dans sa résolution de garder le silence envers les Autrichiens et d’agir sans eux. Bientôt après, il faisait avertir Wurmser en même temps que Wickham. Mais, à cette heure encore, il subordonnait cette démarche à l’entretien qu’il voulait avoir avec l’homme de confiance que Pichegru, lui disait-on, avait promis de lui envoyer avec un mot de sa main. Malheureusement l’homme de confiance ne paraissait pas.

« Ce retard, écrit, le 2 septembre, Montgaillard, n’ôte rien à la certitude ; dans laquelle je suis que la chose aura cet effet. Il me cause l’impatience la plus vive, mais il n’excite pas la plus légère inquiétude. Je suis convaincu que la chose éclatera quarante-huit heures après l’arrivée et que, si elle est différée, c’est une preuve que l’on prend des mesures générales pour l’ensemble et qu’on veut avoir tout disposé et être sûr de tout, lorsqu’on enverra à Votre Altesse. »

Le lendemain, il rappelle ce que Pichegru a dit à Fauche : « Dans deux ou trois jours, j’enverrai quelqu’un de confiance au prince. Vous pouvez lui en donner ma parole. Mais, je n’ai pas encore tout mon monde et je ne veux rien laisser derrière moi. Il vaut mieux employer quelques jours de plus et exécuter la chose pleinement. » Il n’enverra donc quelqu’un que lorsque ses dispositions seront toutes prises. « Encore deux, trois, quatre jours, peut-être huit, pas plus, à attendre. Pichegru est obligé à beaucoup de prudence pour endormir les soupçons. »

Mais rien n’arrive. Le 7, Montgaillard, sur les instances de Condé, envoie Courant au quartier général de Pichegru, « non qu’il ait des inquiétudes, mais pour savoir de quoi il retourne. Si, ce que je ne soupçonne même pas, le général craignait ou différait trop d’exécuter, je crois qu’il y aurait un moyen sûr de l’y forcer… Je suis mortifié que Votre Altesse ne juge point à propos de fournir au général les fonds dont il est certain qu’il a besoin. Je serais parfaitement tranquille, s’il avait à sa disposition un moyen si nécessaire à l’exécution du projet. » On surprend ici Montgaillard en train de lever le masque et de trahir la préoccupation qui le guide. Mais le prince fait la sourde