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l’autonomie administrative et économique ; l’abolition de la déportation par mesure de police : à cela se bornait une proclamation des insurgés publiée en juillet 1897, et qui se terminait par un chaleureux appel aux armes, « de manière à donner les preuves les plus évidentes de vitalité et à imposer des concessions à l’Espagne. » Mais l’insurrection se prolonge, la répression castillane n’en vient pas à bout, le traité de Paris intervient, substituant la suzeraineté américaine à celle de la Reine-régente. Les prétentions des Philippins s’élèvent aussitôt. En vain les plus éclairés ou les moins audacieux, d’entre eux insinuent-ils que la population est mal préparée à se gouverner elle-même, et que, le fut-elle bien, l’archipel n’a point de ressources suffisantes pour s’ériger en État indépendant, et soutenir son intégrité au regard des tiers ; en vain les sceptiques allèguent-ils que la rébellion n’est pas générale, qu’elle est presque exclusivement cantonnée dans les tribus lagalog de l’île de Luzon, qu’elle englobe moins d’un quart de la population totale et que le surplus des habitans semble résigné à son nouveau sort. Les rebelles ne se laissent ébranler ni par ces argumens, ni par les deux corps d’armée que l’Amérique du Nord est tenue d’entretenir chez eux depuis qu’elle a conquis la souveraineté nominale des Philippines. Mieux encore : à l’heure précise où était désignée la commission d’enquête dont nous analysons aujourd’hui les travaux, en janvier 1899, les insurgés du régime espagnol, demeurant insurgés sous la férule américaine, se proclamaient en République et se donnaient une constitution régulière.

On peut sourire devant certains détails de cette constitution : elle comporte, par exemple, l’existence d’un certain procureur général nommé par l’assemblée nationale et qui a un pouvoir propre de mise en accusation des ministres : elle est marquée des mêmes illusions que notre constitution de 1848, quand elle charge une commission permanente de surveiller les actes de l’exécutif durant les intersessions. Mais, sur tous les points essentiels, elle dit ce qu’elle veut dire : la déclaration des droits qui la précède ressemble à s’y méprendre à celle de 1789, et, en mainte occasion, a même plus de précision que celle-ci ; les articles suivans instituent un président électif assisté de ministres responsables devant l’assemblée législative ; ils créent l’indépendance nationale, parce que sans doute ses auteurs ne se sont pas liés à la civilisation américaine pour leur procurer ce qu’ils