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au cardinal-archevêque de Paris, lettre dont nous avons cité, précisément à ce propos, des passages significatifs. La limitation même des biens des congrégations n’est pas un problème insoluble, pourvu qu’on y applique les mêmes procédés. Ne semble-t-il pas que cela vaudrait mieux que de recourir tous les vingt ans à des violences dont le souvenir est pénible à ceux qui les ont commises beaucoup plus qu’à ceux qui les ont subies, et dont les résultats pratiques ont d’ailleurs été toujours nuls ? Le seront-ils cette fois encore ? Peut-être. Mais on aura agité l’opinion, on aura enfiévré les esprits, on aura donné le spectacle de portes enfoncées, et de religieux et de religieuses jetés dans la rue ; — car, en 1880, on n’y a jeté que des religieux, mais, aujourd’hui, il s’agit également des religieuses. — Spectacle affligeant et répugnant, qu’il était assez et même trop pour une génération d’avoir vu une fois. Le reverrons-nous encore, et aggravé ? M. Ribot a mis au défi le gouvernement de le reproduire jusque dans nos villages, et de comprendre les religieuses dans l’exécution de la loi. Si on le fait, a-t-il dit, on fera se révolter les arrondissemens mêmes qui envoient à la Chambre les députés les plus radicaux. Le gouvernement sera alors embarrassé de son œuvre, et ses meilleurs amis ne tarderont pas à lui reprocher de les avoir engagés dans la pire des impasses.

Et pourquoi tout cela ? Est-ce qu’on en veut véritablement aux congrégations charitables et hospitalières ? Est-ce qu’on en veut à celles qui sont consacrées à la vie contemplative, ou encore à celles qui se livrent, comme les bénédictins le font encore, à des travaux intellectuels, mais individuels ? Non, on en veut seulement aux congrégations enseignantes. Ce sont celles-là qu’on vise ; et, pour les atteindre plus sûrement, on les comprend toutes dans la même proscription. A présent, comme il y a vingt ans, ce rude assaut livré aux congrégations est un simple détail d’une campagne entreprise contre la liberté d’enseigner. En 1880, on n’a fait les décrets contre les congrégations non autorisées que parce que l’article 7 n’avait pas été voté par le Sénat, et l’article 7 interdisait l’enseignement aux congréganistes. Aujourd’hui, on n’a pas osé revenir à l’article 7, bien que certains amis du gouvernement en aient fait la proposition. On a osé encore moins faire une loi franche et directe contre la liberté d’enseignement. Mais c’est bien cette liberté qu’on veut détruire, quoique le courage manque pour le dire. On prend un détour, un moyen oblique, un biais sournois pour atteindre le but par ricochet. Nous doutons qu’on y parvienne. Depuis un demi-siècle, la liberté