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multipliaient à l’envi les proclamations arrogantes, s’accusaient réciproquement d’incidens provocateurs, rejetaient l’un sur l’autre la responsabilité de l’agression et de la guerre. Ils énonçaient même tous deux, — ce qui était assez piquant, — la prétention inattendue d’être les défenseurs des intérêts de la Turquie : le roi Milan se posait en champion de la Porte, puisqu’il protestait contre l’insurrection rouméliote, et le prince Alexandre affirmait qu’en repoussant l’invasion de sa principauté, il préservait un territoire, « partie intégrante de l’empire ottoman. » Il semblait vraiment qu’à Constantinople, on n’eût qu’à se féliciter de tant de zèle.

Bientôt, au cours de ces démonstrations diverses, et pendant que l’Europe préparait une conférence sans savoir au juste si ses plénipotentiaires auraient à prendre des mesures décisives ou se borneraient à « légiférer, » l’exaltation des Serbes et des Bulgares les emportait aux faits décisifs : des attaques plus ou moins justifiées étaient signalées aux avant-postes ; les deux adversaires publiaient des manifestes de dernière heure où ils résumaient leurs griefs, invoquaient la justice de leur cause, se promettaient l’un et l’autre la victoire « avec l’aide de Dieu ; » et enfin, le 14 novembre 1885, se déclaraient ouvertement en état de guerre. L’Europe, devancée par les événemens, n’avait plus qu’à eu attendre l’issue.

Les deux armées paraissant de force à peu près égale, on craignait que la lutte ne fut assez prolongée : mais on se trompait encore sur ce point, car peu de campagnes ont été aussi rapides. Je dois ajouter qu’on général on croyait au succès des Serbes. Ceux-ci, en effet, avaient envahi la Principauté avec des troupes fort nombreuses et un élan de bon augure. Toutefois, cou Irai renient à ces prévisions, leur marche par Tsaribrod et Radomir rencontra des obstacles qu’ils ne purent surmonter. Ils se heurtèrent aux positions fortifiées qui couvraient Sofia, et lurent repoussés sur tous les points. Ils subirent enfin, le 17 novembre, à Slivnitza, un échec sanglant. Ainsi désorganisés au premier choc, et même hors d’état d’empêcher le prince Alexandre d’entrer sur leur territoire, ils ne furent pas plus heureux du côté de Widdin, de sorte que, peu de jours après, leur défaite était irréparable.

Les Puissances et la Porte saisirent l’occasion pour proposer un armistice que le roi Milan s’empressa d’accepter. Le prince