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lui donne quelque chose de plus, et, dans sa première séance, elle décrète l’organisation immédiate de la représentation de la classe ouvrière ; elle convoque le Parlement du Travail. Alors projets et décrets se succèdent et s’entassent : pour In réduction des heures de travail et l’abolition du marchandage, pour la fondation de cités ouvrières, pour l’institution de bureaux officiels rapprochant l’offre et la demande du travail, pour la résiliation des marchés affermant le travail des prisons, contre l’expulsion des ouvriers étrangers. A l’appel de la Commission de gouvernement, les associations coopératives de production sortent de terre : tailleurs, selliers, fileurs, passementiers, et elles essayent de se fédérer en union. La plupart disparaissent d’ailleurs, et leur faillite particulière va se perdre dans la faillite générale des Ateliers nationaux, qui est la faillite même de 1848.

En cette lamentable débâcle, on dirait que tout est englouti, et il est vrai qu’il ne reste presque rien des mesures spéciales que 1848 avait prises, de ce qu’il avait voulu, du jour au lendemain, faire pour les ouvriers ; mais néanmoins tout reste, puisqu’il reste le suffrage universel. Il reste la contradiction, à laquelle il n’y a qu’une conciliation possible, que « le peuple soit à la fois misérable et souverain ; » et cette contradiction implique tout ensemble et le germe d’une révolution sociale et le moyen d’une révolution légale. Le jour de mars 1848 où Ledru-Rollin fait promulguer le suffrage universel renferme en soi toute l’histoire politique et sociale qui doit suivre, tout le second Empire et toute la troisième République. Ce jour-là, se rejoignent et se soudent les deux révolutions : la révolution politique et la révolution économique, pour se combiner et se dérouler en une révolution sociale ; ce jour-là, s’achève la transformation juridique de l’Etat, après la transformation psychologique de l’ouvrier ; et, comme l’ouvrier est le Nombre, comme le Nombre désormais est l’Etat, ou encore, comme le Travail et l’Etat sont reliés l’un à l’autre et agissent l’un sur l’autre par le Nombre, ce jour-là, commence, et ne s’interrompra plus, la transformation légale de la société.


III

La transformation psychologique de l’ouvrier est complète sous divers rapports, et elle tient à diverses causes ; du milieu