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parvint à les chasser. C’est lui, en réalité, qui établit lu capitale où elle est actuellement, au village de Bangkok, déjà connu comme station militaire au temps de Louis XIV, puisque les soldats amenés par le chevalier de Chaumont y furent casernes. On montre encore aujourd’hui, à l’entrée d’un canal sur la rive droite du Ménam, le fort qu’ils y élevèrent. Phya ïak avait donné le nom de Thanabouri à la nouvelle capitale. Le choix de remplacement de la cité royale ne parut pas heureux à Phra Phuttha Yot Fa. Il se fit construire un nouveau palais sur la rive gauche, un peu au-dessus du quartier chinois, et l’inaugura solennellement. La fondation officielle de Bangkok comme capitale date de cette époque.

Tout est donc moderne dans cette ville ; et cependant presque tous les monumens sont en ruines, ou auraient besoin de réparations. Des œuvres intéressantes se perdent faute de soin. Un principe néfaste, qui touche aux croyances, et dont nous avons dit un mot, intervient pour laisser inachevée l’œuvre d’un mort. Les plus anciens monumens de Bangkok remontent ainsi à cent vingt ans au plus ; et les plus beaux sont dus au roi Phra Nang Klao, qui éleva le Vat-Phrakéo pour y loger le bouddha enlevé à Vien Tian, et au roi Mongkut, père du roi actuel. On lui doit le Vat-Pho, la pagode du Bouddha couché.

Sa Majesté Chulalongkorn est né en 1853. En 1868, il a succédé à son père. Le fait est assez rare dans les annales siamoises pour qu’on en veuille savoir la raison. Le mandarin le plus puissant de l’époque l’appuya et exerça le pouvoir comme régent pendant la minorité du jeune roi. Il lui donna en mariage sa petite-fille, avec l’espérance, bien entendu, que, de cette union sortirait le futur héritier. Le malicieux destin s’acharna à contrecarrer ce calcul : le roi eut avec la fille du régent cinq ou six enfans ; mais toujours, hélas ! c’étaient des filles qui succédaient à des filles. Or, comme la loi salique est en vigueur sur les rives du Ménam, il n’y avait plus à compter sur la réalisation de ce rêve pas plus que sur la fidélité d’un monarque jeune, tout-puissant et séduisant, dans un pays où la polygamie est la règle. Il arriva ce qui était à prévoir. La fille du régent fut abandonnée et d’autres, filles de mandarins ou demi-sœurs plus jeunes que le roi, prirent sa place. Les héritiers sont alors venus, et même en très grand nombre.

Jusqu’en 1886, il n’y avait qu’un héritier présomptif désigné