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tomber le docteur Richon, comme une pierre dans un marais. On nous donne ce médecin de campagne pour un paysan du Danube : en fait il n’est guère moins discoureur que l’autre. Donc il se met en devoir de traiter ex professo la question. Notez que les dramatistes de la jeune école se sont beaucoup moqués du « couplet » dans lequel les dramatistes de l’école d’hier s’efforçaient d’exprimer, sous une forme aussi ingénieuse et pittoresque que possible, l’idée mère de leur pièce. Ce couplet avait vingt lignes. Le monologue du docteur Richon ne le cède pas au monologue de don Carlos lui-même. Notez aussi qu’on a maintes fois raillé, pour ce qu’il a d’artificiel et d’ennuyeux, le personnage du raisonneur de la comédie de mœurs. Si encore on eût voulu incarner dans celui-ci le type du conférencier impitoyable qui a une conférence à placer et qui vous en poursuit où que ce soit, à table, au salon, en wagon ! Mais non. Le docteur Richon n’est que le porte-parole de l’auteur. Cette conférence n’est qu’un exposé d’idées tout nu et dépouillé de tout artifice. Ce n’est pas un moment de la pièce, c’est un intermède pendant lequel la pièce est interrompue.

Au troisième acte nous voyons que la nourrice a, par un coup de tête, brusquement quitté ses bourgeois. Elle revient chez elle, rattrape son mari qui s’échappait, rend le sein à son enfant que le biberon ne contentait pas et reprend sa chanson au couplet où elle l’avait laissée au premier acte. Nous nous retrouvons exactement à notre point de départ.

On écoute ces trois actes sans ennui : même on a plaisir à saluer au passage des silhouettes vivement enlevées d’un trait caricatural : Toutefois, on ne peut s’empêcher de soumettre à M. Brieux certaines objections. Est-il sûr que toute question puisse être portée au théâtre ? Est-il sûr que, parce qu’une idée est juste, il suffise, pour la présenter au public, d’un minimum de mise en œuvre ?

Les Remplaçantes sont très bien jouées. M. Matrat a dessiné de la façon la plus amusante la figure du père Planchot, le vieux paysan, avide, brutal, finaud et retors. M. Antoine débite avec son âpreté et son autorité coutumières la conférence du docteur Richon. Mme Suzanne Desprès joue avec beaucoup d’intelligence le rôle de la nourrice.


RENE DOUMIC.