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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/480

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précisément, dans les Lettres que nous donne aujourd’hui M. Claude Perroud, il n’y a que Mme de la Platière. Je l’appelle Mme de la Platière parce que, dans les grandes occasions, c’est le nom dont elle signe : Phl. de la Platière.

Quelques chiffres et deux ou trois dates suffiront à définir l’intérêt de la nouvelle publication, on pourrait presque dire de la « révélation. » Nous possédions environ 560 lettres de Mme Roland, — dont 320 de 1767 à 1780, et 240 de 1780 à 1793 ; — le total en sera porté par la publication de M. Perroud à plus de 880. Et, à ce propos, personne ne se fût plaint si M. Perroud, tandis qu’il y était, eût publié la Correspondance complète de Mme Roland. Car les notes font un peu défaut dans l’édition que Dauban a donnée des Lettres aux demoiselles Cannet, et aussi, quoiqu’elles y soient, moins nécessaires, dans le volume de M. Join-Lambert sur le Mariage de Madame Roland. On serait heureux d’avoir toutes ces lettres, et encore quelques autres, rassemblées et commentées, dans les cinq ou six volumes d’une seule collection. Et si peut-être la commission des Documens inédits eût reculé devant les frais, on n’avait donc alors qu’à choisir un format moins coûteux, moins majestueux, et plus commode que le grand in-octavo, sans compter qu’il y a des confidences qui font, dans cet ambitieux format, une étrange figure :

« Je ne sais, — écrit Mme Roland, en date du 28 décembre 1785, — je ne sais si je dois être fort contente de ma médecine d’hier ; il est vrai qu’elle m’a bien purgée, mais, en agitant les intestins, elle a renouvelé les douleurs. J’ai eu une journée laborieuse ; je me suis mise au lit à sept heures, très fatiguée ; j’ai pris deux œufs, et le sommeil est venu tout seul avant neuf heures. J’ai reposé tranquillement jusqu’à deux, que les coliques sont revenues ; rien de ce que je rends n’annonce le retour de la maladie, c’est de la bile pure. Un lavement à l’huile m’a calmée ce matin. J’ai dîné avec une douzaine d’huîtres qui m’ont paru fort bonnes, mais fort petites, fort maigres et faisant véritablement un petit dîner. Je suis fort bien cette après-midi. Je me flatte que l’émotion du purgatif est la cause de mes derniers maux, et que je vais enfin reprendre des forces… »

Ah ! nous sommes loin ici des analyses du livre de Delolme sur la Constitution anglaise, et généralement des propos littéraires ou philosophiques qui remplissaient les Lettres aux demoiselles Cannet ! Et la jeune femme a une excuse, qui est de relever à peine de ses premières couches. Elle ne s’attendait pas aussi que de semblables confidences dussent un jour devenir publiques ! et au fait, sont-elles