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plupart composés de nobles, formaient le corps électoral ; l’évêque, nommé à la pluralité des voix, — on devine aisément après quelles luttes et quelles intrigues, — recevait du même coup la dignité de prince, le droit de séance et de suffrage à la diète de l’Empire. Il lui fallait d’ailleurs, pour exercer ses droits, l’agrément de l’Empereur comme prince, et comme évêque celui du Saint-Siège. Par le traité de Westphalie, bon nombre d’évêchés s’étaient vus sécularisés en faveur de princes protestans ; certains, comme celui d’Osnabruck, par une conciliation étrange, étaient tour à tour gouvernés par un prince luthérien et par un évêque catholique. Pour l’Etat de Munster, les habitans de la région, — ceux de la ville comme ceux de la province, — étant restés fidèles à la vieille communion romaine, le prince était toujours un évêque catholique. Douze villes, outre la capitale, ressortissaient à son autorité. Le pays était bien peuplé, les champs bien cultivés et le commerce florissant[1] ; aussi les caisses publiques étaient richement garnies, l’année bonne et nombreuse, et le prince-évêque de Munster était considéré comme un important personnage.

Au temps dont nous nous occupons, l’évêché de Munster était depuis nombre d’années aux mains de Ferdinand de Bavière, archevêque de Cologne, qui cumulait ainsi ces deux épiscopats. Lorsqu’il mourut, en l’an 1650, l’archevêché échut à son coadjuteur, Maximilien-Henry, comme lui duc de Bavière ; l’évêché se trouva vacant, et les compétitions s’ouvrirent. Nul ne doutait dans la province que le successeur désigné ne fût le doyen Malinkroot ; ses longs services, son intégrité reconnue, l’autorité dont il jouissait dans le chapitre cathédral, tout semblait l’indiquer au choix de ses confrères. Les plus anciens d’entre eux lui avaient, disait-on, secrètement engagé leurs voix, et Malinkroot ne doutait pas que la majorité n’y joignît ses suffrages. L’événement déjoua ces calculs. Tout corps électoral, fût-il composé de chanoines, est incertain, mobile, sujet aux reviremens soudains. La candidature du Doyen ne fut pas plutôt déclarée, qu’un vent d’opposition souffla dans le chapitre et qu’un parti puissant se forma contre lui. Les jeunes chanoines surtout le combattaient avec acharnement. Irréprochable dans ses mœurs, le Doyen, à vrai dire, manquait d’indulgence pour autrui ; pour réprimer

  1. Le principal commerce était celui du bétail et des porcs. La province, disait-on, fournissait de jambons toute l’Europe.