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forcenés l’entourent, le désignent du doigt : « Non hunc, sed Barrabam ! » s’écrient-ils avec insolence, en parodiant les Écritures. Ce scandale met le comble à l’indignation de Galen. Il exile son oncle à Cologne ; puis, quelque temps après, informé qu’il revient secrètement à Munster, il le fait enlever sur la route et jeter au fond d’un cachot. Le Doyen, à vrai dire, n’y languit pas longtemps ; l’âge, ou la maladie, ou quelque autre cause inconnue, mil en peu de semaines un terme à ses malheurs.

Que la nature ou l’art ait provoqué cette fin rapide, c’est ce que ses amis n’eurent guère le temps d’approfondir, car, à peine délivré du chef de la révolte, l’évêque dirigea sa vengeance contre les bourgeois de Munster, qu’il considérait comme complices. Bien qu’assujettis en principe à la juridiction épiscopale, ceux-ci, par tradition, conservaient quelques privilèges et les maintenaient avec un soin jaloux. Certains droits notamment leur tenaient au cœur de très près : du nombre était celui de n’avoir point de garnison imposée par l’évêque, de détenir les clés de la ville, de « donner le mot » pour la garde. C’était là qu’ils voyaient les dernières garanties de leur indépendance. L’évêque, en prétendant abolir ces coutumes, frappa donc ses sujets au point le plus sensible. La querelle fut d’abord portée devant les États de la province ; de là l’affaire alla jusqu’à l’Empereur, qui demanda de longs délais pour rendre sa sentence. Le nom de Von Galen, sa réputation d’implacable énergie, commençaient dès ci ; temps à se répandre dans l’Allemagne, et nul ne se souciait d’exciter sa colère. Les hésitations impériales ne découragèrent pas les bourgeois ; ils s’adressèrent aux États de Hollande. Leur syndic s’en fut à la Haye demander du secours ; mais l’évêque le fit prendre, l’envoya au camp sous bonne garde ; puis, considérant cette démarche comme un outrage à son autorité, il rassembla des troupes, et, marchant sur Munster, mit brusquement le siège devant sa capitale[1]. Il avait sous ses ordres environ neuf mille hommes, recrutés à prix d’or dans toutes les parties de l’Allemagne ; l’artillerie, pour l’époque, était puissante et nombreuse ; l’attaque dès le début fut chaude. La ville, de son côté, était pourvue de bons remparts, mais sa meilleure défense était la fermeté, le vaillant cœur des citoyens : sûrs de la justice de leur cause, ils jurèrent tous « de sacrifier leurs vies pour le

  1. Juillet 1657.