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quelle chère me faire, et il poussa la courtoisie jusqu’à venir me reconduire, en passant la porte après moi. »

Au reste, — et sauf les questions d’étiquette, — l’archevêque de Cologne prétend ne se mêler de rien. « Il me remit à M. de Strasbourg pour parler des préparatifs nécessaires pour la guerre. » C’est donc à ce dernier que s’adresse l’envoyé du Roi, et de cet entretien il trace dans sa correspondance une malicieuse esquisse : « Les choses avec lui paraissent d’abord faciles ; mais, dès qu’il les a approfondies et qu’il voit ce qu’elles coûtent, on est, bien loin de compte, et il en faut essuyer une quantité d’inutiles, avant que de venir à celles qu’il faut résoudre ; car il n’y en a point qui ne lui plaise, dès qu’on lui en parle, et qui ne lui fasse de la peine, quand il en considère la dépense. Enfin, quand on l’a laissé parler sur d’autres chapitres, il en revient au fait, et il arrête ce que l’on veut, sans savoir ce qu’il signe. » De fait, avec sa finesse ordinaire, Luxembourg a vite reconnu que, dans la pièce en jeu, l’archevêque de Cologne et l’évêque de Strasbourg ne sont au fond que des comparses. Les talens militaires attribués à Galen font que ses deux confrères, malgré leur jalousie, se déchargent sur lui de tout ce qui touche à la guerre. Aussi bien n’admettrait-il pas qu’il en fût autrement. C’est donc avec cet allié mal commode qu’il faut discuter et s’entendre, et la patience du général français est soumise à une rude épreuve.

Non qu’il s’agît, — comme le croyait Louvois, — de réveiller cette fois « la lenteur » germanique : c’est « le diable » au contraire, affirme Luxembourg, de contenir l’ardeur de l’évêque, de refréner sa fougue irréfléchie. L’armée du Roi n’étant pas prête à entrer sur l’heure en campagne, il prétend à toute force, en attendant la grande partie, réaliser lui seul « quelque ; entreprise particulière, » c’est-à-dire piller pour son compte la frontière des pays voisins. Prières., objurgations, menaces, il faut tout employer pour le retenir dans cette voie, qui deviendrait vite hasardeuse, « les Hollandais faisant état d’avoir 40 000 hommes en campagne, qui pourraient bien être assez hardis pour vouloir donner une bataille contre les 18 000 de M. de Munster ! » C’est Louvois qui s’exprime ainsi et qui, mis au courant, fait chorus avec Luxembourg. « Quand on fait, ajoute-t-il sèchement, une armée aux dépens du Roi, il est juste de s’entendre avec Sa Majesté, sans s’imaginer que l’on est plus fin