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son énergie pour introduire plus d’ordre et de régularité dans ses troupes. Ses guerriers, soldats de métier et de vocation étaient souvent trop prompts au pillage, parfois même au massacre, ils se souvenaient trop souvent encore de la coutume barbare de mutiler les prisonniers ; Ménélik n’a sans doute pas encore réussi à extirper complètement ces survivances d’un long passé, mais il est juste de reconnaître qu’il n’a rien épargné pour y parvenir ; de pareilles réformes ne sauraient être l’œuvre d’un jour.

C’est, pour le Négus, un souci de tous les instans de compléter l’armement et l’instruction de ses soldats, seule sauvegarde de l’indépendance de ses Etats. La plus grande partie de ses troupes sont aujourd’hui armées de fusils à tir rapide ; il a une artillerie sérieuse, composée de canons et de mitrailleuses achetés en Europe ou pris aux Italiens, et il surveille lui-même l’instruction de ses artilleurs. Mais la vraie force des Abyssins, comme celle des Boers, c’est une tactique adaptée à la configuration du pays. Ses fantassins, robustes et agiles, sobres et résistans, sont irréductibles dans leurs montagnes, d’où ils harcèlent l’ennemi et d’où ils fondent sur lui pour l’attaquer en masse et l’envelopper dès qu’ils croient l’avoir surpris ou intimidé. Quant à la cavalerie des Gallas, légère et montée sur d’énergiques petits chevaux au pied très sûr, elle sait aussi bien se plier au service d’éclaireurs qu’exécuter de déconcertans mouvemens tournans ou des charges vigoureuses : c’est son attaque foudroyante qui a précipité la déroute éperdue de l’armée de Baratieri. Cependant, descendus de leurs plateaux, en plaine, les Ethiopiens ne sauraient résister ni à un ennemi organisé, ni à la maladie qui les saisit dès qu’ils se hasardent au fond des vallées brûlantes, dans les plaines marécageuses du Nil ou les steppes arides de la côte. Mais, lorsque, sur ce sol avec lequel des siècles de possession l’ont, pour ainsi dire, identifié, l’Ethiopien défend son indépendance, sa foi et son foyer, les meilleures armées d’Europe devraient, compter avec lui.

La constitution physique de l’Ethiopie impose à ses souverains un programme d’expansion jusque vers la mer et jusque vers le Nil, c’est-à-dire jusqu’aux débouchés naturels des hauts plateaux. Théodoros, « Johannès et Ménélik, un même temps qu’ils travaillaient à la reconstitution organique de leur empire, ont aussi repris les vieilles revendications nationales. « Mon