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derviches par les Italiens, cédée ensuite par eux à leurs alliés, elle est, aux mains des Anglais, une base d’opérations excellente contre le Tigré. La défaite du khalifat, la marche des Anglais remontant le Nil, l’expulsion brutale des Français du commandant Marchand, l’abandon par la France de tout le Bahr-et-Ghazal, ont, enfin permis aux Anglais de relier la Basse-Egypte aux Grands-Lacs ; des missions parties de la côte de l’Océan Indien, à l’exemple de l’expédition Mac Donald, sont parvenues, elles aussi, dans l’ancienne province équatoriale : toute la vallée du Nil est anglaise. Ainsi l’invasion mahdiste aura finalement servi à faire, de l’ancien Soudan égyptien, un Soudan britannique. Les possessions italiennes de la côte des Somalis et la colonie anglaise de Zeïla complètent l’investissement des plateaux et permettent de menacer le Harrar.

L’Italie, vaincue à Adoua, n’a pas gardé rancune à l’Angleterre, qui l’a poussée dans l’aventure africaine ; si elle n’espère plus gagner un empire en Afrique, du moins reste-t-il vraisemblable que, le cas échéant, elle aurait encore son rôle dans la conquête et sa part dans les profits. Le général Baratieri, lui-même, a tracé d’avance le plan de cette campagne vengeresse dans ses Mémoires d’Afrique, et l’on se rappelle qu’il en adonné ici[1] une sorte de résumé saisissant et singulièrement, instructif. Il annonçait comme prochaine l’échéance de « la question du Harrar, » comme s’il existait une « question du Harrar, » et comme si l’Angleterre et la France ne s’étaient pas promis réciproquement de ne point attenter à l’indépendance de cette région. De graves événemens semblaient, proches en Ethiopie ; « la solution ne peut être éloignée, » écrivait le général Baralieri. Le chemin de fer anglais s’avançait le long du Nil, et le Sirdar procédait à l’enrôlement méthodique des vaincus d’Omdurman et à l’organisation des bataillons soudanais, qui, animés d’une vieille haine contre l’Abyssinie chrétienne, sont destinés à devenir les meilleurs auxiliaires de la politique britannique. Les guerres du Transvaal et de Chine sont venues suspendre les destins, sans interrompre complètement les préparatifs. L’Angleterre, empêtrée dans l’Afrique du Sud, se montre pour l’instant conciliante dans tout le reste du monde : l’été dernier, des journaux ont annoncé que, pour obtenir du Négus le passage du

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1899.