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sans lesquels un peuple ne peut plus vivre indépendant : qui ne sait s’en servir risque d’être classé parmi les « barbares ; » et il est dangereux parfois d’encourir celle réputation.

Ménélik incarne bien l’esprit national éthiopien, avec sa fierté et son amour de l’indépendance, mais il ne craint pas d’admettre dans son entourage des étrangers dont il sait apprécier les lumières et dont il utilise volontiers les machines et les inventions. Si le Négus était pleinement rassuré sur l’indépendance future de ses Etats, s’il ne sentait pas peser sur son peuple la menace d’un danger encore vague, mais toujours redouté, nul doute qu’il ouvrirait toutes grandes, aux voyageurs et au commerce, les portes de son empire. Les Français et les Russes qui ont pu démontrera l’empereur que leurs intérêts sont les siens ont gagné sa confiance, et nos compatriotes construisent en ce moment le chemin de fer qui aidera l’Ethiopie à se transformer rapidement en une nation pourvue des outils et des moyens d’action de la civilisation occidentale. C’est là tout le « problème éthiopien, » ou plutôt il n’y a pas de « problème éthiopien : » il y a une nation éthiopienne qui, sous l’impulsion d’un souverain énergique, achève d’agréger ses élémens longtemps épars et de se préparer à tenir, dans la vie générale de l’Afrique et du monde, la grande et glorieuse place que son courage et sa constance lui méritent.


RENE PINON.