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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/886

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soient fréquentes ! » C’est en ces termes que les Kaliéki Perekhojié chantent la gloire de Jean Chrysostome, leur patron, l’un des saints chers à la Russie[1]. »

Dans Boris Godounof, ce n’est pas cela qu’ils chantent, ou du moins ils n’en chantent pas si long. Ils ne font que passer en psalmodiant, juste assez pour mêler aux clameurs de la multitude un accent de lyrisme sacré, et pour que la voix du peuple soit un moment la voix de Dieu.

Les Raskolniki de Khovantchina sont plus humbles et surtout plus mystiques encore que les Kalieki Perekhojié. A la fin du second ne te, un de leurs cantiques s’achève par un admirable épilogue d’orchestre. Il n’y a là qu’un rappel des notes fondamentales du cantique lui-même ; mais, tenues longuement, elles tracent derrière lui comme un si litige et lui donnent une résonance infinie. Quant au dernier acte de Khovantchina (le martyre), c’est par le sujet ou la matière, beaucoup plus que par la manière ou le sentiment, qu’il rappelle, — on l’a remarqué, — le cinquième acte des Huguenots. L’ethos en est héroïque aussi ; mais il l’est avec moins d’éclat, d’enthousiasme et de transports. Le mysticisme, voilà le mot qui convient et qu’il faut répéter ; voilà la part du divin en cette âme de la foule, où nous allons voir aussi Moussorgski faire la part de l’humanité : c’est-à-dire de la misère et de la souffrance, de la méchanceté, de la bassesse et de la fureur.

Le premier tableau de Boris Godounof représente le couvent des Vierges, près de Moscou. La tsarine Irène, veuve du tsar Féodor, s’est retirée dans le monastère. Le régent et l’assassin du tsarevich, Boris, est avec elle, et le peuple, sans chef, adjure le prince, dont il ignore le crime, de prendre le pouvoir. Voici la scène, dans le texte de Pouchkine :

UNE VOIX. — Ils sont allés à la cellule de la Tsarine. Boris et le patriarche sont entrés avec la foule des boïars.

UNE AUTRE VOIX. — Que dit-on ?

UNE AUTRE. — Il résiste toujours. Pourtant il y a de l’espoir.

UNE VIEILLE FEMME, avec un enfant. — Hou ! Ne pleure pas, ne pleure pas. Vois le loup, le loup-garou qui va remporter. Hou ! Hou ! ne pleure pas.

UNE VOIX. — N’y aurait-il pas moyen de franchir le mur de clôture ?

UNE AUTRE. — Pas moyen. Comment donc ? Quand il y a déjà pareille

  1. M. d’Alheim.