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I

Si l’on prend une parcelle de l’expectoration d’un phtisique, et si, après certains artifices de préparation, on l’examine au microscope avec un grossissement suffisant, on n’a pas de peine à distinguer, parmi les élémens cellulaires du mucopus, des bâtonnets plus ou moins nombreux, droits ou faiblement courbés, souvent légèrement noueux et paraissant formés d’une série de points sombres séparés par des espaces clairs. Assez gros pour des microbes, puisqu’ils mesurent de 3 à 5 millièmes de millimètre de longueur, ils sont tantôt isolés, tantôt entre-croisés en petits faisceaux, parfois si nombreux qu’ils fourmillent littéralement dans la préparation.

Ces bâtonnets ne sont autres que les bacilles tuberculeux, et Robert Koch, le savant allemand bien connu qui les a découverts, grâce à une ingénieuse méthode de coloration, a eu le mérite de démontrer qu’ils étaient ragent exclusif de la tuberculose dans toutes ses formes.

Auparavant, la maladie était bien comme cliniquement : Laënnec, l’immortel inventeur de l’auscultation, en étudiant parallèlement les lésions anatomiques de la phtisie et les signes par lesquels elle se manifeste, avait réussi à donner une grande précision au diagnostic ; il avait deviné (plutôt que reconnu) la nature spéciale de la maladie tuberculeuse et son identité dans toutes ses formes et dans toutes ses localisations, mais il était loin de soupçonner que cette- maladie fût contagieuse ; la tradition veut même qu’il soit mort des suites d’une inoculation tuberculeuse qu’il se fit accidentellement sur la table d’autopsie et qu’il négligea, la croyant sans conséquence.

Ses successeurs, égarés par des idées théoriques, méconnurent complètement la spécificité de la tuberculose ; ils en firent une maladie de faiblesse, l’expression d’une déchéance organique, et ils admirent que la phtisie pouvait se manifester à la suite des inflammations broncho-pulmonaires les plus diverses et les plus banales. Aussi, quand un autre savant français, Villemin, vint annoncer, en 1865, qu’il avait reproduit la maladie chez divers animaux par injection ou inoculation de produits tuberculeux, fut-il accueilli tout d’abord par des protestations indignées. Les médecins de l’époque étaient si loin de croire à une contagion