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de dire que le gouvernement ne manquerait pas d’en provoquer la discussion dans le plus bref délai possible, mais il n’a pris en aucune façon l’engagement de les faire aboutir dans un délai quelconque, et il semble même qu’il ait été sur ce point un peu plus évasif que M. le président du Conseil. Les délégués, pour peu qu’ils connaissent les habitudes parlementaires, et ils les connaissent assurément fort bien, ne peuvent pas s’abuser sur l’impossibilité d’obtenir ce qu’ils demandent dans le délai fixé par le congrès. La courte session comprise entre le 14 mai et le 14 juillet sera d’une durée insuffisante pour cela, et il n’est d’ailleurs pas probable que le parlement consente à délibérer sous la menace. Bien que les Chambres aient perdu beaucoup de leur indépendance et même un peu de leur dignité, elles n’en sont pas encore à se laisser enfermer dans un cercle de Popilius, ni à céder docilement aux injonctions d’un pouvoir que la constitution n’avait pas prévu.

Il est à peine besoin de dire combien la déconvenue a été vive à Montceau-les-Mines, lorsqu’on y a appris les résolutions du congrès de Lens : c’était un autre ajournement après celui de Saint-Étienne, un abandon, on a dit un lâchage. Les délégués des organisations ouvrières réunis à Lens représentaient cent-soixante deux mille huit cents mineurs : ils n’ont pas voulu rendre leurs commettans solidaires des quatre cent trente ouvriers sans emploi de Montceau-les-Mines. On s’est rappelé dans quelles conditions ils s’étaient mis en grève contre le sentiment de leur propre syndicat ; on s’est demandé s’il valait la peine, pour dénouer une crise locale aussi mal engagée, de condamner tous les mineurs de France aux souffrances d’une grève générale pour laquelle, notoirement, rien n’était prêt. De plus, les mineurs du Pas-de-Calais se sont souvenus, assure-t-on, que, lorsqu’ils se sont eux-mêmes mis autrefois en grève, ils n’ont trouvé qu’un faible concours et un dévouement médiocre chez leurs camarades montcelliens. Que ce soit des considérations particulières ou des considérations générales qui aient agi sur le congrès, il a mis à la grève générale des conditions très difficiles à réaliser.

Il restait au syndicat de Montceau à faire accepter par les ouvriers les résolutions de Lens, tâche difficile après les avoir leurrés de tant d’espérances qui devaient se dissiper en fumée. Certes, le syndicat de Montceau a été très coupable. Il l’a été d’abord parce que, désapprouvant la grève, il n’a pas osé le dire avec énergie ; il l’a été ensuite parce que, la grève une fois déclarée, il a soufflé sur le feu pour en entretenir et en augmenter la violence jusqu’au jour où on s’est