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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/336

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ou découvertes, de toutes ces vaines ressources de la crainte, de tous ces misérables mensonges de la faiblesse !… Au reste, il était juste d’essayer en même temps de recommencer l’éloquence des clubs, et d’accréditer des nouvelles de mesures dignes de l’administration des comités. » Ignore-t-on qu’une ère nouvelle commence, qu’un grand fait est survenu, et que la France possède enfin un gouvernement ? Le caractère principal de ce gouvernement, c’est une modération imposante ; il s’est élevé à la voix et par l’effort des modérés : « Ce sont eux qui, appelant la force au secours de la sagesse, ont voulu substituer des principes à des déclamations, des lois à des convulsions, à une révolution un gouvernement… »

Sous cette parole à la fois apaisante et forte, le tumulte cessa comme par enchantement. Le 19 nivôse, le Corps législatif avait adopté le projet de loi en suspens par 203 voix contre 23. Sieyès revint tranquillement présider le Sénat. La crise fut close, et ce fut finalement la presse qui en paya les frais. La presse venait de servir Bonaparte, mais elle l’avait servi maladroitement et compromis ; par ses exagérations, par le tapage qu’elle avait fait, elle avait grossi l’incident ; les discours de Duveyrier et de Constant auraient-ils pris tant d’importance, s’ils n’eussent été répercutés, commentés, discutés à outrance par les cent voix de la presse ? Qu’est-ce qu’un journal ? disait plus tard Bonaparte : Un club diffus. Un journal agit sur ses abonnés à la manière d’un harangueur de club sur son auditoire ; il entretient parmi ses lecteurs une agitation factice, permanente, qui se communique autour d’eux et s’accroît en devenant collective : « Vous voulez que j’interdise des discours qui peuvent être entendus de 400 ou 500 personnes et que j’en permette qui le soient de plusieurs milliers[1]. » Fouché, d’ailleurs, inclinait à réprimer une presse que l’absence de toute garantie constitutionnelle livrait à l’arbitraire gouvernemental ; le second consul, Cambacérès, proposait une mesure d’ensemble.

Le 27 nivôse-17 janvier, — un arrêté des consuls réduisit le nombre des journaux parisiens de soixante-treize à quatorze. On conservait ceux qui possédaient une clientèle établie et répondaient à un besoin de l’opinion, ceux-là, d’ailleurs, devant se tenir pour avertis ; les autres étaient purement et simplement

  1. Stanislas de Girardin, Journal et Souvenirs, III, 316.