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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/364

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Cet aspect général de la terre française ne frappe plus guère ceux qui vivent dans son intimité. Il faut avoir parcouru les pays de vastes steppes monotones et plates, ou de sol rocailleux et dénudé, ou les contrées d’une verdure trop uniforme, pour saisir le véritable caractère et comprendre tout le charme de la terre que nous avons sous les yeux et sous les pieds. L’étranger éprouve, naturellement, une impression plus vive. Un Anglais qui n’est pas suspect, Young, décrivait, dès le XVIIe siècle, en termes expressifs, une région pourtant assez pauvre, le Limousin : « La beauté de cette région est si variée et, à tous égards, si frappante et si intéressante, écrivait-il, que je n’essaierai pas d’en faire la description ; ce n’est pas une belle perspective qui s’offre, de temps en temps, aux yeux du voyageur pour le dédommager de la mauvaise apparence d’un long district, mais c’est une succession continuelle de paysages dont plusieurs auraient été célèbres en Angleterre par le nombre des curieux qui seraient venus les voir. Le pays est tout composé de collines et de vallées ; les premières sont fort élevées et s’appelleraient, chez nous, des montagnes, si elles ne produisaient rien et étaient couvertes de bruyères ; mais, comme elles sont cultivées jusqu’au sommet, leur hauteur n’est pas si visible à l’œil. Elles ont différentes formes ; les unes se changent graduellement en superbes demi-globes ; d’autres s’avancent en masses et paraissent suspendues dans les airs ; d’autres forment des amphithéâtres de jardins très cultivés. Dans quelques endroits, le coup d’œil est agité par des milliers de surfaces inégales, et, dans d’autres, le regard se repose tranquillement sur des scènes de douce verdure. »

Voilà bien le trait marquant du paysage français : la variété des motifs et le jeu constant des perspectives et de la lumière sur un terrain accidenté.


C’est cette forme générale du pays qui détermine les caractères particuliers de la vie sociale en France, la répartition de la population, ses occupations principales, l’organisation de la propriété, et peut-être même, en combinant ces données avec celles qui viennent de la race, de l’éducation et de l’histoire , l’esprit, les goûts, les aptitudes, les aspirations qui distinguent la nation française dans la famille des peuples civilisés.

Au flanc des montagnes, l’herbe pousse ; la prairie s’étale suivant le pli et l’ondulation des lorrains frais et difficilement cultivables.