les caractères principaux sont qu’il ne s’appartient pas, qu’il est perpétuellement suggestionné, et toujours dans l’état second, hypnotisé sur son élection ou sa réélection ; esclave tout à la fois de son collège qui l’exploite et de la presse qui le brime ou le berne, esclave aussi du gouvernement qui distribue les emplois et les grâces, ou révolté contre lui s’il n’en reçoit point sa bonne part ; possédé, selon les cas, de la manie de renverser à tout bout de champ les ministères ou de celle, non moins fatale, de les conserver à toute outrance ; n’agissant d’ailleurs que par calcul ou par passion, et dès lors, renversant les bons, conservant les mauvais ; en politique intérieure, empilant projets sur projets « jusqu’à la gastrite législative, » et, en politique extérieure, laissant tout aller jusqu’à ce qu’au plus petit échec, il se cabre et il sabre, casse tout, rase tout et change tout, de la forme des institutions à la couleur des timbres-poste… Mais, comme le député ne songe qu’à se faire réélire, le ministre ne songe qu’à garder le pouvoir et le fonctionnaire qu’à garder sa place ; pour quoi le député a besoin du ministre, qui a besoin du député, qui a besoin du fonctionnaire ; et par quoi continue, eu s’amplifiant, la mutuelle « turlupinature. » Le ministre dit : Do ut des au député, qui dit : Da ut dem au fonctionnaire, qui répond la même chose au député, qui la répète au ministre ; et de là, entre députés, l’association en groupes et sous-groupes pour s’emparer des fonctionnaires en terrorisant les ministres : discours-contrat-coalition, c’est à quoi, dans la pratique, se réduit tout le parlementarisme.
Et l’administration, l’on devine ce qu’elle peut être en de telles conditions : le fonctionnaire, ayant assez à faire que de se tenir sur la corde raide, ne pense pas un instant qu’il ait rien de plus à faire : comme tous les équilibristes, il demeure les bras croisés ou ne les étend que pour manœuvrer son balancier, avec des battemens désespérés lorsqu’il se sent choir : il fait le mort, il fait l’aimable, et les trois quarts du temps il dort… Mais soudain, un coup de sonnette,… et l’on se réveille en sursaut ; on court de-ci, on court de-là, on ordonne, on contre-ordonne, on tire à droite, on tire à gauche, on crie, on frappe, on arrache. Alors seulement la nation s’aperçoit qu’elle est administrée et gouvernée, mais elle découvre en même temps que son administration est hystérique et que son gouvernement est fou. Car l’État, ce qu’on appelle l’État, est tout en impressions et en