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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/397

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Tandis qu’à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tête ?


À ce double titre, parce qu’elle regarde trop loin, et qu’elle veut trop embrasser, parce qu’aussi, dans sa partie doctrinale, ce n’est pour ainsi dire qu’une vaste, métaphore montée sur une armature de métaphysique, la sociologie, en son état présent, et quelles que soient ses prétentions, qui ne sont pas minces, sert bien plus le romantisme que le réalisme politique.

Au demeurant, la sociologie et la politique sont deux domaines contigus, mais non un seul et même domaine : ni la sociologie n’est la politique, ni la politique n’est la sociologie. La politique, en tant que science, est une science en soi, avec une quantité à elle propre de matière observable, indépendante ou distincte de celle des autres sciences. Ce n’est assurément pas à dire qu’elle ne puisse pas, ou même parfois ne doive pas recourir à d’autres, s’appuyer sur d’autres, mais seulement comme auxiliaires ; et de ces auxiliaires de la politique sont notamment l’histoire, la statistique, la psychologie, la sociologie elle-même, qui néanmoins ne se confondent pas avec elle. Il lui faut des faits, elles les lui fournissent ; et du reste il ne lui en faut pas beaucoup ; il suffit que ce soient des faits certains, directs, politiquement probans ; à ses fins, c’est elle qui les choisit, les classe, les analyse ; et, après quoi, c’est elle qui, là-dessus, travaille.

Travail ardu ; en effet, ce n’est pas tout de bien voir ; quand on a bien vu, il faut encore bien déduire ou bien induire, bien contrôler, bien confronter et bien conclure ; le premier venu n’en est pas capable ; loin de là. On vient de montrer que les philosophes, parce qu’ils sont communément gens à système, et les sociologues, parce qu’ils ne savent pas se borner, ont à la science politique vraie comme une sorte d’inaptitude fonctionnelle. D’autres, les économistes par exemple, ne sont pas mieux doués ou mieux préparés, parce qu’ils sont trop « unilatéraux, » qu’ils n’aperçoivent jamais que le côté économique des choses, et que toutes choses indifféremment sont par eux ramenées à la seule économie politique. Avec le moellon du libre-échange et le mortier de l’offre et de la demande, ils vous bâtissent en un instant une théorie économique de la politique, de la morale ou de la religion même ; mais c’est toujours le Palais des illusions, toujours un castel romantique. D’autres, venus d’autres spécialités,