Le chancelier de l’Échiquier a expliqué combien il était juste qu’une guerre aussi avantageuse à tout le monde, aussi honorable pour l’humanité, aussi favorable aux progrès de la civilisation universelle, fût soldée, au moins en partie, par les étrangers. Il a dit que la taxe d’exportation sur le charbon serait payée intégralement par eux, ce qui n’est pas bien sûr : à tel point qu’une grève générale de l’industrie minière menace maintenant l’Angleterre après avoir menacé la France, sous prétexte que les conditions qu’on lui impose seraient pour elle un désastre. Mais nous ne croyons pas plus à la grève en Angleterre qu’en France ; le charbon sera augmenté de prix, sans risquer jamais de faire défaut ; et, si l’Angleterre cessait pendant quelque temps d’en fournir, l’Amérique serait là avec des réserves qui ne sont pas encore près d’être épuisées, ni même sensiblement atteintes. Une grève générale en France, en élevant le prix des charbons, aurait causé une perte au consommateur, mais une perte légère comparée à celle que les ouvriers auraient subie. Cette suspension complète de la vie nationale, que les grévistes de Montceau croyaient pouvoir en quelque sorte décréter, n’est qu’une fantasmagorie puérile. Ils ne le savaient pas, eux, les malheureux, parce qu’ils n’ont guère pour aliment intellectuel que des journaux qui les trompent et les déclamations de M. Maxence Roldes ; mais M. Basly, M. Lamendin, M. Cotte, ce dernier secrétaire général de la Fédération de Saint-Étienne, sans parler de MM. Jaurès et Viviani, sont les uns trop intelligens et les autres trop instruits pour en avoir douté un seul instant. Nous ne le disons pas à leur décharge. Ils n’en sont que plus coupables d’avoir entretenu dans l’imagination des ouvriers des rêves de violence et de victoire qui devaient aboutir à une déception cruelle. Ils auraient dû avoir le courage de dire dès le premier jour la vérité qu’ils ont avouée seulement le dernier. Qu’espéraient-ils donc ? Sans doute que leur action sur le gouvernement serait assez puissante pour l’entraîner à prendre à l’égard des compagnies une attitude d’intimidation qui les amènerait à capituler : c’est ainsi qu’on s’exprime. Les plus cultivés, les plus affinés des socialistes ont dans l’esprit un coin de chimère, sans quoi ils ne seraient pas socialistes. Ils s’imaginent volontiers que le gouvernement peut tout, ou presque tout, et qu’il est maître de dicter souverainement au capital, des lois inéluctables. Ils croient qu’en effrayant le capital, on l’oblige à se rendre, tandis qu’on ne réussit qu’à le faire s’expatrier ou se cacher. Comment expliquer autrement le rôle qu’ils se sont donné et qu’ils ont joué longtemps, jusqu’au jour où il leur a bien fallu reconnaître
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