qu’il trouvera demain, comme il les y a trouvées hier, des difficultés que la retraite de M. de Miquel n’aura peut-être pas diminuées.
La « guerre des canaux » n’est pas une nouveauté : elle a commencé il y a deux ans, après une assez longue préparation, et elle a abouti à une défaite complète du gouvernement. Nous en avons raconté l’histoire à mesure qu’elle se déroulait : l’empereur Guillaume en a été dans la coulisse le principal acteur, et par conséquent la part principale lui revient dans l’échec qui a terminé le premier acte. Il en est de même aujourd’hui, bien que l’Empereur ait paru vouloir faire croire, en sacrifiant M. de Miquel et deux de ses collègues, qu’ils étaient cause de tout le mal. Peut-être n’y sont-ils à peu près pour rien.
On sait que l’Empereur a conçu l’idée de relier l’Elbe au Rhin par un canal à deux tronçons : il s’y est attaché avec l’ardeur passionnée et la ténacité qu’il apporte à la plupart de ses entreprises. Celle-ci lui tient particulièrement au cœur. Elle correspond aux plus grands intérêts de l’État, intérêts économiques, politiques et militaires, dont l’importance est devenue à ses yeux un article de foi. Peut-être se l’exagère-t-il, mais elle est grande certainement, et, nous qui jugeons les choses du dehors, nous sommes prêts à donner raison à Guillaume contre les résistances qu’il rencontre. Ces résistances viennent surtout des agrariens de la Prusse orientale, hobereaux et grands propriétaires, loyalistes et chrétiens, comme ils le disent eux-mêmes, mais d’une indépendance farouche, lorsqu’ils jugent qu’on porte atteinte à leurs intérêts vitaux. Or, ces intérêts se résument pour eux dans la protection de l’agriculture. Il leur semble que la caste sociale à laquelle ils appartiennent est liée au sort de l’agriculture, où elle puise ses principaux moyens d’existence, et cette caste si puissamment organisée est à leur sens la charpente solide, l’ossature véritable de l’État prussien, par conséquent de l’Empire lui-même, car les deux ne sont qu’un aujourd’hui. Ils sont fonctionnaires, ils sont officiers, ils sont diplomates, et fourniraient à eux seuls des candidats à toutes les fonctions publiques, qu’ils remplissent d’ailleurs avec exactitude et probité. L’Empereur lui-même a reconnu leurs mérites en maintes circonstances ; il les ménage ; il ne veut pas se brouiller avec eux. Mais ces hommes estimables à beaucoup d’égards sont fermés aux idées nouvelles. Ils sont inquiets et jaloux des progrès des autres. Agriculteurs, ils regardent avec impatience la prospérité industrielle des provinces occidentales de l’Empire, qui a pris depuis quelques années un essor si prodigieux. On ne leur ôtera pas de l’esprit deux