catastrophe. En effet, Kang-you-wei, l’auteur du nouveau programme, qui avait pris la tête du mouvement, était Chinois : il ne tarda pas à devenir suspect aux princes mandchous, qui bientôt se demandèrent si ce fameux réformateur aux façons si cavalières n’était pas plutôt un traître en voie de préparer un bouleversement général et l’effondrement de la dynastie. Il en résulta une révolution de palais qui pour la réforme fut le coup fatal : la tête de Kang-you-wei fut mise à prix, plusieurs de ses complices exécutés et l’Empereur lui-même, qui n’avait pas su voir clair, fut écarté violemment du pouvoir, l’Impératrice douairière s’emparant de nouveau des rênes du gouvernement. Le danger dynastique effaçait pour le quart d’heure toute autre nécessité nationale et il fallut bon gré mal gré retrouver pour un temps des soutiens dans les rangs des anciens chefs du parti rétrograde. On sait le reste : le bandeau sur les yeux, ces irréductibles, à leur tour, voulurent aller trop vite, ils conduisirent le char dans le bourbier ; et cette fois le gouvernement put constater son impuissance, non seulement contre l’étranger, mais aussi contre le flot populaire. Cette seconde leçon infligée par l’étranger est cruelle et menaçante : aussi l’Impératrice douairière comprend-elle le danger de surseoir aux réformes ; et, comme l’annonce le souverain, c’est de tout son cœur qu’elle s’associe à son fils pour en déclarer l’urgence. Tous deux à l’unisson, ils vont donc reprendre un programme, mais, pour plus de prudence, en s’aidant des lumières d’hommes éprouvés et de sens rassis, les meilleurs hommes de gouvernement que possède la Chine ; et ce programme sera d’autant plus facile à suivre et à exécuter que les principaux adversaires du mouvement, les chefs mêmes du parti rétrograde, sont précisément ceux dont l’Europe coalisée demande la tête ou le bannissement, et que leurs partisans, après ce terrible fiasco national, sont disgraciés ou convertis : la voie est déblayée ! Le doute ne paraît plus permis : la déclaration de Kouanghsü, d’ailleurs lancée sur l’ordre de sa mère, est aussi sincère qu’elle est catégorique : si donc, à eux deux, ils en ont le pouvoir, l’ère des réformes et du progrès s’ouvre enfin pour cette immense humanité chinoise.
Mais, se demandera-t-on, en ont-ils le pouvoir ? — Comment en douter encore ?
Pendant le mémorable siège des légations à Pékin l’été dernier, coudoyant nos diplomates aux rares heures de trêve que