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ordres de celui qui est toujours comme son chef de tribu, l’Empereur de Chine, et l’on connaît en outre ce système de dualité, chinois-mandchou, dans l’autorité suprême des provinces, qui place près du yamen du vice-roi un résident mandchou, — le général tartare, — lequel, sans attributions civiles quelconques, est son collègue et son égal pour tout ce qui a trait aux questions militaires ou de police. Les Mandchous étaient autrefois une race guerrière : ils n’ont pu s’adonner aux lettres comme les Chinois, et, pour leur conserver le prestige, on leur donne aussi des titres et des grades littéraires ; mais cela par le moyen de concours spéciaux extrêmement faciles ; aussi ces grades inspirent-ils quelque mépris aux Chinois, toujours à cheval sur « le vrai savoir. » Inutile d’ajouter que ces Mandchous sont corps et âme esclaves des bons plaisirs de Sa Majesté, réforme ou non-réforme.

La plus urgente parmi les réformes gouvernementales qui s’imposent est sans contredit celle des traitemens officiels : le yanglien ou traitement fixe des fonctionnaires est dérisoire et les place tous dans l’obligation de se récupérer par un système de taxes arbitraires ou d’extorsions. L’effet en est déplorable et l’on peut dire que cet abus, dont le degré varie suivant le tempérament, la conscience ou les besoins des individus, est au fond de tout ce qu’il y a de mauvais en Chine ; aussi, peut-on s’attendre à voir prochainement le gouvernement se préoccuper d’y porter remède, et cette mesure entraînera une réforme financière complète. Alors seulement on pourra connaître le revenu exact et les ressources encore si imparfaitement mises en valeur de ce vaste Empire.

Dans tout ce qui précède nous n’avons pas touché à la réforme morale : est-elle nécessaire ? est-elle possible ? est-elle probable ?

En quoi consiste la supériorité d’une race ? Nous pourrions répondre : dans l’excellence de sa loi morale, dans sa vitalité supérieure, dans la puissance de ses moyens d’action. La Chine a toute la vitalité désirable ; les moyens d’action, elle ne les possède pas au même degré que nous, mais elle les cherche et elle les trouvera, car ils ne sont pas la résultante de qualités morales ; d’ailleurs, elle s’apprête à les prendre chez nous. Cette race laborieuse et policée, que nous avons décrite en commençant, peut donc devenir à peu près notre égale en vitalité et en force. Quant