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Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/709

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ou d’expérience chez tous ses contemporains, même chez ceux qu’il aime le mieux.

Il déclare à Liebig qu’il lui a voué une reconnaissance éternelle, mais néanmoins que sa théorie des radicaux est fausse. Il reproche à Regnault l’inexactitude de quelques analyses. Enfin, il se heurte à un savant aussi entier et ardent que lui-même, à Laurent. Laurent était un chimiste du premier mérite ; il disputait à Dumas la découverte de la théorie des substitutions. Il avait accompli des prodiges de travail, au milieu de difficultés inouïes. On aurait cru que le choc de ces deux hommes, semblables en tant de points, allait se traduire par un déchaînement d’hostilités. Point du tout ! Ils s’entendirent parfaitement et se liguèrent pour le triomphe de leurs doctrines voisines et bientôt communes. Laurent, nommé correspondant de l’Institut, quitte la Faculté de Bordeaux dont le séjour lui était devenu intolérable : il est sans position à Paris, et sans fortune. C’est de là qu’il correspond avec Gerhardt et le tient au courant de tout le mal que l’on dit des deux amis dans le milieu des chimistes et de ce que l’on trouve contre eux.

C’est à cette époque, en 1847, que Gerhardt fit paraître son Précis de chimie organique. Dans cet ouvrage il introduit ses nouvelles notations. Il réforme les nombres proportionnels, poids moléculaires, d’un certain nombre de corps, de manière à ramener, comme on le fait aujourd’hui, les formules des composés organiques à un même volume de vapeur. Par là, il éclaire la genèse de beaucoup de corps organiques et, par exemple, de l’éther. Il établit la notion féconde de l’homologie, qui est différente de la doctrine des radicaux. Les nombres adoptés par Gerhardt sont, à l’exception de ceux d’un certain nombre de métaux, les mêmes qui sont en usage aujourd’hui. Il donne la première définition véritable de la chimie organique : l’histoire des composés du carbone. Il la distingue de ce que l’on appelait la chimie animale et la chimie végétale. Il essaie de lui donner une base de classification fixe, fondée sur la parenté chimique. Il emploie un procédé rationnel, à un moment où, comme le disait plaisamment Laurent, les chimistes classaient les composés, comme le pourraient faire les droguistes, en distinguant les essences, les gommes, les huiles, les graisses et les sucres.

Il posait enfin la loi des résidus, qui, à part de légères modifications, reste debout tout entière.

Les résultats obtenus par Liebig, sur les phosphures d’azote, étaient en contradiction avec les règles énoncées par Laurent et Gerhardt pour