pour s’y donner rendez-vous, à égale distance, mais à distance assez considérable de leurs royaumes respectifs, il n’y a peut-être pas lieu d’attribuer à ce fait une signification exagérée. Il n’en est pas moins certain que, sinon sur l’initiative directe, au moins sous le couvert discret de l’Autriche, le roi Charles et le roi Georges, médiocrement d’accord naguère, ont opéré entre eux un rapprochement opportun. La réserve du comte Goluchowski à ce sujet permet de croire qu’on n’a pas voulu à Vienne, ni peut-être à Bucarest et à Athènes, donner trop d’importance à l’événement ; pourtant il en a une, et il faut sans doute y voir une tentative pour rétablir une sorte d’équilibre entre le groupement balkanique dont nous avons déjà parlé et celui que formeraient à leur tour la Roumanie et la Grèce. La Roumanie, qui a souffert sur son propre territoire des intrigues sanglantes du comité macédonien, n’est d’ailleurs pas disposée, on peut le croire, à laisser la principauté voisine augmenter considérablement son territoire et sa population. Quant à la Grèce, elle est un des prétendans à la Macédoine, le pays d’Alexandre et d’Aristote, comme on dit à Athènes, et, lorsqu’un autre compétiteur étend la main sur un morceau qu’elle convoite pour son propre compte, elle s’inquiète et s’émeut. Le rapprochement de la Bulgarie et de la Grèce est donc aujourd’hui très naturel ; mais suffit-il pour rétablir l’équilibre rompu ? Cela dépend, en somme, des puissances qui sont derrière la Grèce et la Bulgarie. Y a-t-il l’Autriche et l’Allemagne ? Là est toute la question. Si elles y sont, comme cela est probable, du moins ne veulent-elles pas se montrer, et le silence du comte Goluchowski semble indiquer qu’elles préfèrent ne pas le dire. Les grandes puissances jouent sur l’échiquier balkanique avec les petites qui leur servent de pions ; mais, si elles permettent quelquefois d’entrevoir le mouvement de leur main, le plus souvent elles le cachent, laissant au monde le mérite assez facile de le deviner. L’Autriche aime d’autant mieux rester en ce moment sur la réserve que sa situation intérieure est assez troublée. Peut-être même y a-t-il lieu d’être plus frappé de ce qu’il y a eu d’énergique dans quelques-unes des déclarations du comte Goluchowski que de ce qu’il y a eu de prudent dans certaines de ses réticences.
Le pays où son langage paraît avoir produit le plus d’impression, et elle n’y a pas été très bonne, est l’Italie. Il y a deux motifs à cela : le premier est la manière dont le ministre austro-hongrois, à la veille du renouvellement des traités de commerce, a subordonné les intérêts commerciaux aux intérêts politiques ; le second est qu’en dépit de toute affirmation contraire, il existe depuis longtemps, mais aujourd’hui