sans y entrer par nous, en n’y figurant qu’après coup, et en ayant l’air de nous accorder son nom par condescendance. Il demandait donc que cette liste parût avec le nom laissé en blanc à la 2e circonscription. Nous répondîmes que c’était impossible, que la liste complète paraîtrait le dimanche 10 avec son nom ou tout autre. Alors il nous pria de le laisser réfléchir encore jusqu’au lendemain à midi. Le lendemain à midi il me notifia un refus, qui paraissait définitif : « Dites bien à vos amis que je ne suis pas exigeant ; j’aurais voulu avec moi Barrot, mais ce n’est pas à cause de son exclusion que je n’accepte pas ; mon motif est que ma candidature serait une lutte de gouvernement à gouvernement et je ne veux pas l’engager ; aussi je refuse partout, à Valenciennes, à Aix, comme à Paris. »
À trois heures, au Siècle, nous trouvâmes Jules Simon. C’était la personnalité considérable et mystérieuse dont Havin promettait l’acceptation. Notre stupeur égala son embarras. Mais nous ne pouvions nous plaindre d’être trop victorieux ; nous acceptâmes de bonne humeur sa capitulation, et son nom et celui de Laboulaye, complétèrent la liste, qui parut le 10 en tête de nos trois journaux. Nous eussions désiré l’accompagner d’une proclamation signée par les Cinq, mais au dernier moment, Hénon, personnage très fuyant sous un air bonhomme, circonvenu par Carnot et autres, nous avait priés de n’y pas mettre son nom. Un manifeste, qui eût révélé au public une scission, dont il était inutile de l’instruire, devenait impossible, et la liste parut sans commentaire.
Thiers, qui avait toujours eu grande envie de se porter, fut fort attrapé que nous ne l’eussions pas attendu. Il fit alors organiser une nouvelle manœuvre. Un comité présidé par Dufaure vint lui offrir la candidature acceptée d’avance, avec le programme des Cinq et de leur comité : Formation d’un grand parti libéral sur le terrain constitutionnel[1]. Les Débats et le Temps, annoncèrent aussitôt cette candidature, conjointement avec celle de Prévost-Paradol dans la 6e circonscription, et Thiers nous fit prier de le mettre sur notre liste. Nous refusâmes net. Laboulaye était notre candidat, il le resterait ; nous ne l’engagerions pas à se retirer. Si Laboulaye eût persisté, Thiers, maigre l’appui des Débats et du Temps, n’aurait pas été nommé plus
- ↑ Lettre de Dufaure à Thiers, mai 1863.